L’hôtel Métropole de Matadi, capitale du Bas-Congo, est chargé d’histoire. Il fut le premier immeuble de cinq étages du pays, l’escale incontournable de tous les voyageurs en provenance d’Anvers. Sa forme triangulaire en fait aussi un symbole de l’avant-garde architecturale des années 30. Malheureusement, l’hôtel est fermé depuis 2013, son gérant ne payant plus les loyers. Une publicité géante pour un opérateur de téléphonie mobile balafre désormais l’extérieur. Derrière le portail d’entrée, deux gardiens jouent aux dames avec des capsules de Coca-Cola et de Fanta. Ils s’improvisent volontiers guides. A l’intérieur, les trois façades de pierres brutes, ornées d’arcades et de plantes grimpantes, encadrent un magnifique patio en damier noir et blanc. La réception affiche toujours ses mises en garde: «Il est interdit de cuire dans les chambres.» Le double ascenseur est en panne mais un large escalier en colimaçon dessert chaque étage où sont exposés des œuvres néo-cubistes africaines, des collages réalisés avec les couvertures du magazine Jeune Afrique, des clichés de danses traditionnelles en costume végétal et des posters de gorilles. De la terrasse du 5e étage, on distingue, de l’autre côté du fleuve, la route de Boma qui longe la colline de Tshimpi. Plus proche, le gigantesque pont Maréchal, construit sous l’ère Mobutu par des ingénieurs japonais. Cette prouesse technologique d’un kilomètre de long est le seul et unique ouvrage qui enjambe le fleuve Congo sur ses 4’000 derniers kilomètres.
A défaut de la terrasse du Métropole, celle de l’hôtel New Air Brousse fait l’affaire pour cette escale. A la table voisine discutent trois membres d’une fondation qui ambitionne d’ouvrir le premier centre universitaire en écologie du Congo. Son président, Dhombro N’Singa Kete, me montre sur son iPad des photos de l’avancement du chantier. «Devant répondre aux préoccupations des Congolais, le projet ne fera pas appel à des partenariats étrangers», précise Stéphane Wot, diplômé en management de l’environnement. C’est pourquoi le négociant portuaire Guillaume Boketshu investit tous ses bénéfices dans la fondation. La déforestation du Bas-Congo les préoccupe beaucoup. On y abat des palmiers pour une trentaine de litres de vin de palme. On y tronçonne des arbres fruitiers pour faire du charbon. Et l’agriculture sur brûlis continue d’être pratiquée. Leurs solutions: sensibiliser la population, développer la culture agro-forestière, importer des semences de qualité, enseigner aux producteurs de charbon comment optimiser leurs fours de combustion et commercialiser des foyers de cuisson plus efficaces, avec notamment des briques réfractaires. Les trois compères espèrent inaugurer leur université en 2017. Ils devront d’ici là trouver des fonds, faire valider la formation, recruter des étudiants…