Selon le Contrôle fédéral des boîtes de montres, l’industrie neuchâteloise produit 47’000 boîtes, soit près de deux fois plus que Genève. Dès l’ordre de mobilisation du 1er août, on imagine les conséquences pour l’économie régionale: «Il est à prévoir que la majeure partie des fabriques de montres se verront obligées de fermer complètement leurs ateliers», écrit L’Impartial du 1er août.
En fait, on le saura plus tard, ce ne sera pas le cas. L’emploi horloger va rapidement se réorienter vers une économie de guerre, dans les machines-outils et la production de munitions, notamment des fusées d’obus qui seront livrés à l’ensemble des belligérants. C’est ainsi que plus d’une quinzaine «d’entreprises de décolletage» seront fondées dans la seule ville de La Chaux-de-Fonds entre 1915 et 1918, comme le révèle l’historien et professeur Pierre-Yves Donzé.
Le samedi 1er août 1914, c’est aux Eplatures –emplacement du futur aérodrome où un meeting avait déjà eu lieu en 1912– qu’est mobilisé, avant les autres, le bataillon 20 de landsturm (les «vieux», classe d’âge de 41 à 48 ans, ndlr), en présence d’une foule immense, rapporte L’Impartial. «Tous les soldats se sont présentés dans un calme parfait. Après la visite médicale, il n’y a eu que seize hommes renvoyés pour cause de maladie. Les états nominatifs relevés, le major Godet a fait prêter le serment au drapeau, l’emblème de la patrie devant le front, tous les hommes tête découverte».
Le représentant du gouvernement neuchâtelois constate que les événements se précipitent avec une rapidité déconcertante. «Jamais depuis 1870 la situation en Europe n’a été aussi critique et aussi grave. A vous, soldats du landsturm, appartient l’honneur de partir les premiers, pendant que vos frères d’armes d’élite et de la landwehr s’organisent et se préparent à vous remplacer. Vous vous souviendrez de la date mémorable du 1er août, si chère à tous les coeurs suisses. Vous suivrez les traces de nos ancêtres. Vous voudrez que notre Suisse reste toujours fidèle à ses traditions, une et indivisible».
Le commandant du bataillon a lu le serment constitutionnel, auquel la troupe a répondu en levant dans un unanime élan la main droite en disant «Je le jure» ou «Je le promets solennellement». Le journal relève que «cette cérémonie dans le cadre verdoyant de notre belle nature montagnarde a revêtu un caractère véritablement impressionnant. Beaucoup de personnes ne cachaient pas leur émotion». Les troupes ont été ensuite dirigées sur les lieux de stationnement qui leur avaient été désignés (notamment Valangin, Montmollin et Geneveys-sur-Coffrane) et le service de garde le long de la frontière a été immédiatement organisé.