Sept.info | Ces Romands qui ont combattu pour la France (1/2)
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Un soldat suisse surveille les combats entre les armées française et allemande durant la Première Guerre mondiale.© DR

Ces Romands qui ont combattu pour la France (1/2)

Parmi les milliers de Suisses qui ont combattu pour la France, gros plan sur les officiers romands Edouard Junod, genevois, et Pierre-Félix Glasson, fribourgeois.

Tandis que la guerre ravage l’Europe, le fossé se creuse entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. Faisant abstraction de la neutralité affichée par la Confédération, laquelle s’apparente bien plus à un état de non-belligérance favorable aux grands Empires centraux, des Romands ne peuvent s’empêcher de rejoindre les rangs français. Nombre d’entre eux rallongeront l’interminable liste des soldats emportés par l’affreuse tourmente. Bien que la Suisse n’ait pas été impliquée militairement dans le premier conflit mondial, elle a été touchée économiquement et moralement, démontre Alexandre Elsig avec la publication sur le site internet «14-18.ch» de cartes postales éditées à cette époque, lesquelles témoignent d’un climat tendu au sein de la Confédération. «C’est à ce moment-là qu’apparaît le terme ‘Graben’ pour signifier le fossé qui sépare la Suisse romande de la Suisse allemande», indique l’assistant diplômé de l’Université de Fribourg.

Parmi les Romands héros de la Grande Guerre, une mention toute particulière pour le capitaine genevois Edouard Junod (1875-1915), du 2e régiment de marche du 1er étranger qui servait depuis dix-sept ans à la Légion - au Maroc, au Tonkin et à Madagascar - quand débuta la Grande Guerre. Cet ancien officier dans l’armée de milice «est un mercenaire, dans la vieille tradition militaire suisse». Il exerçait sur ses hommes une véritable fascination. Son contemporain Albert Erlande décrit le phénomène en mai 1915, lors de la meurtrière bataille de l’Artois: «Le capitaine Junod, un pied sur la marche d’un escalier creusé à la pelle-pioche, sa cigarette russe à la bouche, cravache en main, son regard froid électrisant sa compagnie, commande d’une voix douce: "En avant, mes enfants! Courage!"»

En 1914, le capitaine Junod prend en France le commandement d’une compagnie du 2e régiment de marche du 1er étranger. Connu pour son audace et son humanité, le capitaine qui se voulait «officier suisse au service de la France» aimait passionnément son pays. Il tenta de réintégrer l’armée suisse, en vain, ce qui fut un crève-cœur pour lui qui avait écrit dans son testament: «Quoique sous un drapeau étranger, je ne cesserai jamais de servir la Suisse dans ma pensée». Le 9 mai 1915, il est blessé en entraînant sa compagnie à l’assaut des «Ouvrages blancs» en Artois. Mais il s’empresse de retourner sur le front sans achever sa convalescence.

C’est à la butte de Souain en Champagne, dans l’après-midi du 28 septembre 1915, le jour même où Blaise Cendrars perd son bras sur un autre point du front, que le capitaine Junod  laissa la vie, sous les balles de mitrailleuses allemandes, après 20 campagnes qui lui avaient valu la Légion d’honneur, lors d’une offensive ordonnée par Joffre aussi meurtrière qu’inutile. «Junod meurt pour rien, ou presque. L’offensive de Champagne lancée par le général Joffre, commandant en chef des armées françaises, se solde par une avancée de… quatre kilomètres. Le bilan humain est terrifiant. L’armée française déplore 28’888 morts, 98’000 blessés, 53’000 prisonniers et disparus».

Junod venait d’envoyer ce mot à sa sœur: «J’écris dans l’obscurité. La journée a été terrible. On avance lentement. L’adversaire est dur, son artillerie admirablement servie nous abrutit sans interruption avec du 140 asphyxiant. Trêve ni jour ni nuit. Il pleut. Quelques éclaircies. Soleil pâle; on grelotte. Moral excellent. Je ne comprends pas comment je suis encore debout.»

Avant l’attaque, il avait dit à ses hommes: «Je compte que vous ferez honneur au pays, au nom de Suisses, que vous montrerez comment les Suisses savent se battre, avec le même courage que les anciens». Et Paul de Vallière (1877-1959), qui cite la phrase, d’ajouter: «Il faudrait raconter la bataille d’Arras, Verdun, la prise de Cumières, celle de Villers-Bretonneux où les Suisses repoussèrent cinq contre-attaques et perdirent 800 morts et 1’500 blessés. A l’attaque du bois de Hangard [-en-Santerre], sous un tas de cadavres, on trouva sur le corps du soldat Buvelot, de Nyon, un fanion rouge à croix blanche qu’une jeune Vaudoise lui avait brodé, avec l’inscription: "Vive la Suisse! Honneur à la Légion!" […] Le soldat Perottet, de Colombier, resté seul à sa mitrailleuse, Bolliger, Blaser, Mauser, Schaller, Berthoud, Jaccard, Bonnet tous décorés de la Croix de guerre, Cramer tué comme agent de liaison, le caporal Bourquin, cent autres qu’il faudrait nommer, se cramponnèrent au terrain conquis. Barbey, grièvement blessé, eut encore la force de transmettre un ordre avant de mourir. Près de Soissons, le caporal mitrailleur Fracheboud, de Gruyères, refusa de se rendre, dernier survivant de sa section. On le retrouva au milieu des cadavres ennemis, couché sur sa pièce qu’il avait entourée de ses bras en mourant. Le mitrailleur Vaucher, de Neuchâtel, engagé à 16 ans, Croix de guerre et Médaille militaire, a continué à servir sa mitrailleuse, l’œil arraché par une balle; cité à l’ordre de la division. Le clairon Renard de Lausanne, blessé mortellement, sonna la charge jusqu’à son dernier souffle». Le soldat Louis-Ernest Augustin, de Lausanne, engagé en 1917, à dix-huit ans, cité à l’ordre du régiment, le 8 janvier 1918, se retrouva, en 1940, sergent-major dans l’armée de milice suisse mobilisée. Si l’on s’en réfère à Vallière, en 1918, «le 18 juillet, les Suisses bousculèrent l’ennemi sur une profondeur de 11 kilomètres, à l’est de Villers-Cotteret. Le lieutenant Rebut, de Genève, neuf citations, Légion d’honneur, y fut tué».

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