Sept.info | «Les animaux ont une valeur morale, mais pas de droits»

«Les animaux ont une valeur morale, mais pas de droits»

Professeure à l'Université de Valence, Adela Cortina défend l'idée qu'un animal, une forêt ou une œuvre d’art reçoivent de l’homme une valeur morale.

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Adela Cortina, 6 avril 2016. © Youtube

Philosophe espagnole, Adela Cortina enseigne au département d’éthique et de philosophie politique de l’Université de Valence. A la fois intéressée par le rationalisme critique ainsi que le pragmatisme, elle oriente ses recherche sur l’éthique animale. Elle est l’auteure de plusieurs essais dont, Por Una Etica del Consumo (Pour une éthique de la consommation, Taurus, 2002) ou encore Neuroetica y Neuropolitica (Neuroéthique et neuropolitique, Tecnos, 2011).

Les défenseurs des animaux n’ont jamais eu une telle audience. Mais cette préoccupation est-il si récente ?
Nos contemporains se sentent de plus en plus concernés par la communauté des vivants, c’est vrai. Cela dit, la préoccupation pour les animaux est chose aussi ancienne que l’humanité elle-même. Certaines religions comme le jaïnisme et le bouddhisme, ou encore les philosophies qui admettent la transmigration des âmes, comme l’orphisme ou l’école pythagoricienne, se sont posé la question de savoir comment les hommes doivent traiter les bêtes. Pythagore est considéré comme l’un des premiers adeptes du végétarisme en Occident. Diogène Laërce rapporte qu’un jour, passant près de quelqu’un qui maltraitait son chien, Pythagore lança: «Arrête et ne frappe plus, car c’est l’âme d’un homme qui était mon ami, et je l’ai reconnu en entendant le son de sa voix.»
Quant à ce regain de polémiques, que l’on peut observer depuis quelques décennies autour du traitement réservé aux animaux d’élevage et de laboratoire, mais aussi au sujet de la corrida, de la fourrure ou encore de la chasse à courre, il est, à mon avis, le produit de la rencontre relativement récente entre les activistes de la cause animale, qui militent sur le terrain, des célébrités comme Brigitte Bardot, qui ont donné de la visibilité à ces positions, des philosophes comme Peter Singer, qui ont fourni une assise théorique à ces revendications, et des partis politiques, qui ont fait entrer certaines de ces idées dans la législation.

De quand date le mouvement de libération animale tel que nous le connaissons ?
Il est apparu dans les années 1960 au Royaume-Uni, quand certains membres de la League Against Cruel Sports (Ligue contre les sports cruels) ont entrepris de saboter des parties de chasse à courre. En 1964, la Britannique Ruth Harrison publiait Animal Machines (Les machines animales), premier réquisitoire contre l’élevage intensif des poulets en batterie. En 1967, Peter Roberts, producteur de lait dans le comté de Hampshire, fonda l’organisation Compassion in World Farming (connue en France sous le nom «Protection mondiale des animaux de ferme»).
Sur le plan théorique, les philosophes spécialistes d’éthique et de morale furent les premiers à s’intéresser à ce mouvement et à prendre au sérieux les questions qu’il posait. En 1971, John Harris, Stanley et Rosalind Godlovitch, philosophes à Oxford, publiaient Animaux, hommes et morale: une enquête sur la maltraitance des non-humains. Puis, en 1975, Peter Singer fit paraître aux Etats-Unis La Libération animale, qui devait devenir la bible du mouvement.

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