Sept.info | Albert Londres, la plume dans la plaie
Albert Londres Albert Londres
Albert Londres (1884-1932), journaliste français qui fit fermer le bagne de Cayenne en Guyane en 1921-1923 , ici en 1923.© Keystone / Rue des Archives / Str

Albert Londres, la plume dans la plaie

Si son nom survécut grâce au prix éponyme que sa fille créa juste après sa mort, en 1932, les œuvres d’Albert Londres tombèrent dans l’oubli pendant un demi-siècle avant d’être rééditées au début des années 1980 par Francis Lacassin. Près de 40 ans plus tard, lire ses grands reportages est toujours aussi passionnant pour le lecteur, et devrait être obligatoire pour tous les journalistes en herbe!

Albert Londres est né en 1884 à Vichy dans une famille modeste: ses parents géraient une pension de famille et ses deux grands-pères étaient l’un chaudronnier, l’autre colporteur. Très tôt attiré par les lettres, il admire en particulier Hugo et Baudelaire. Après le lycée, Albert Londres arrive à Lyon en 1901 comme commis aux écritures dans un service de comptabilité, puis décide de «monter à Paris» en 1903, accompagné de ses amis Henri Béraud (journaliste et romancier, lauréat du prix Goncourt en 1922) et Charles Dullin (comédien, metteur en scène et fondateur du théâtre du Vieux-Colombier avec Louis Jouvet). Conscient que les poèmes qu’il a commencé à écrire et à publier ne nourriront pas son homme, il devient correspondant pour le journal lyonnais Le Salut public. En 1904 naît sa fille, Florise, dont la mère décèdera onze mois plus tard. Albert Londres n’eut ensuite plus aucune compagne jusqu’à sa mort. En 1906, il entre au Matin, où il ne signe pas ses articles consacrés aux couloirs de l’assemblée nationale. En 1914, réformé en raison de sa santé fragile, il devient correspondant de guerre et signe dorénavant ses articles, qui font sensation par leur style: écrits à la première personne, ils sont le récit de ce qu’il voit et ressent. 

Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1914, il assiste à l’incendie de la cathédrale de Reims: c’est de là que naît sa vocation ferme et définitive de journaliste, sa «vraie date de naissance», comme l’écrit Pierre Assouline, son biographe. Il rompt avec Le Matin et c’est pour Le Petit journal – le quotidien le plus lu en France à l’époque – que de 1915 à 1918 il raconte les combats de l’armée d’Orient, de la Serbie à la Grèce, de la Turquie à l’Albanie. Son style direct, avec des phrases très courtes, beaucoup d’ironie et d’humour quelle que soit l’intensité dramatique des sujets de ses reportages et enquêtes, lui qui ne s’intéresse pas aux faits historiques, mais aux êtres humains qui les vivent, tout cela contribuera à forger sa célébrité et sera sa marque de fabrique. A la différence d’un Paul Morand, de quelques années son cadet, plus «littéraire» et mondain, ou des reporters «de salon», amateurs de grandes fresques et de métaphores, c’est sa générosité, au service d’une combativité de chaque instant par un engagement «au premier degré», qui fait de Londres une figure rare et exceptionnelle. S’il s’inscrivit d’abord dans les traces du premier correspondant de guerre de l’ère moderne, l’anglais William Howard Russell (1820-1907), qui couvrit la guerre de Crimée en 1854, et dont le récit des conditions de vie catastrophiques des soldats heurta tant l’opinion publique qu’il provoqua la chute du gouvernement britannique, Albert Londres, après la Première Guerre mondiale, ne s’intéressa plus aux champs de bataille mais à la société en général, devenant ainsi le premier journaliste «d’investigation», terme auquel on préfèrera journalisme d’enquête.

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