Sept.info | Ali l’informateur du FBI (6/8)

Ali l’informateur du FBI (6/8)

© Jef Caïazzo

Un concours de circonstances permet à Ali Mohamed d'intégrer le FBI. Un statut qui ne l'empêche pas de se rendre à Khartoum pour réorganiser le service de sécurité de ben Laden.

Une surprise attend Ali Mohamed à son retour aux Etats-Unis. Le FBI a eu vent de l’incident de l’aéroport de Rome. Il est donc convoqué par le Bureau de San Francisco pour y être entendu. En fait d’explications, il propose ses services. L’offre tombe à point. Le Bureau cherche justement un infiltré dans le cadre d’une enquête sur un trafic de faux papiers dans les mosquées de la région. Frais émoulu de l’école de Quantico, l’agent qui le recrute ne prend même pas la peine de le soumettre au détecteur de mensonge comme la procédure l'implique. Peu après, Ali Mohamed passe sous la responsabilité d’un agent plus chevronné, John Zent, à qui il sera abondamment reproché de n’avoir pas su le percer à jour. Certains de ses amis répondront pour sa défense que l’agent fédéral avait d’autres soucis en tête, le fiancé de sa fille venant d’être accusé du meurtre de ses parents. D’autres affirmeront que John Zent n’avait aucun moyen de découvrir le rôle d’Ali Mohamed au sein d’Al-Qaïda. Souvent disert, voire vantard, celui-ci est, pour une fois, resté fort discret sur ses activités. Il tait son passé islamiste en Egypte, omet de parler de son jeu trouble avec la CIA lors de l’infiltration de la mosquée de Hambourg en 1983, ne dévoile pratiquement rien de ses missions en Afghanistan ni de l’entraînement des moudjahidines arabes. Il mentionne bien les noms de ben Laden et d’Al-Qaïda sans pour autant s’étendre sur la nature du danger. «Ben Laden dirige une organisation appelée Al-Qaïda qui rassemble une armée afin de renverser le gouvernement saoudien», dit-il en substance à John Zent. L’agent du FBI prend bonne note, mais, à l’époque, la stabilité du gouvernement saoudien n’est pas la première de ses préoccupations et il a vite fait d’oublier les noms de ben Laden et d’Al-Qaïda. Nous sommes au début de 1993 et c’est la première fois qu’un agent du FBI entend parler de ben Laden. L’information n’est pas transmise au bureau new-yorkais du FBI qui travaille pourtant sur Al-Qaïda sans même connaître le nom de l’ennemi. Toujours sur le fil du rasoir, Ali Mohamed se joue du FBI. Censé être manipulé par John Zent, son agent traitant, c’est le contraire qui se produit. L’informateur, qui a pris la main sur l’agent du FBI, voit plus loin encore: pourquoi ne pas entrer au Bureau? Faute de pouvoir l’infiltrer par la voie royale en devenant agent spécial – il est trop âgé –, il pose sa candidature au poste de traducteur d’arabe. Il a toutes ses chances, le FBI en manque cruellement.

Au mois de juin 1993, Al-Qaïda dépêche son responsable logistique, l’Egyptien Essam Hafez Marzouk, pour seconder Ali Mohamed. Les deux hommes se sont connus en Afghanistan en 1988. Marzouk dirigeait le camp d’entraînement d’Al-Qaïda où Ali Mohamed était venu enseigner les failles du système américain et l’art de détourner des avions. Quatre ans plus tard, l’instructeur militaire avait fait appel à Marzouk pour l’aider à assurer la sécurité d’Oussama ben Laden et de sa garde rapprochée lors du transfert d’Afghanistan au Soudan. Sur les conseils d’Ali Mohamed, le logisticien n’entre pas directement aux Etats-Unis; il débarque, le 16 juin 1993, à l’aéroport de Vancouver où l’attend son comparse. Mais Marzouk est imprudent. Dans ses bagages, la police montée trouve une dizaine de faux passeports et des permis de conduire, dont celui… d’Ali Mohamed. Le responsable logistique d’Al-Qaïda est retenu pour interrogatoire. Ne le voyant pas venir, Ali Mohamed demande de ses nouvelles au bureau de l’immigration. Il est immédiatement interpellé. Il reconnaît être au Canada pour accueillir Marzouk et l’aider à entrer aux Etats-Unis, et admet même travailler pour Al-Qaïda; à l’époque, rares sont ceux qui connaissent ce nom. Après quelques heures de détention, Ali Mohamed sort son joker. Exagérant, il affirme qu’il travaille pour le FBI comme traducteur alors qu’il attend toujours la réponse à son dépôt de candidature. Pour prouver sa bonne foi, il remet aux agents canadiens le numéro de téléphone de son agent traitant, John Zent. Les policiers appellent le FBI et, peu après, Ali Mohamed est relâché. Quelque temps plus tard, il est de retour au Canada avec 20’000 dollars destinés à l’avocat de Marzouk. Il y reviendra encore un an après quand son ami sera libéré et obtiendra le statut de réfugié politique. Un terrible dessein rapproche un peu plus les deux hommes, Al-Qaïda a décidé de passer à la vitesse supérieure et les a chargés de trouver des cibles pour réaliser la plus sanglante des attaques terroristes contre les Etats-Unis.

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