Toru a toujours été un enfant anxieux, mais ce problème s’est aggravé vers 19 ans, alors qu’il était en licence de sciences sociales à Tokyo. A chaque exposé en classe, il sentait son cœur battre la chamade. Un psychiatre lui avait prescrit du clonazépam, un anxiolytique de la classe des benzodiazépines, à laquelle appartiennent aussi le Valium et le Xanax. Au début, Toru se sentait plus calme, même quand il lui fallait parler en public. Assez vite, pourtant, l’efficacité du médicament commença à décliner, et il cessa de le prendre au bout d’un an. Son anxiété s’accrût. Il ne dormait plus et commença à souffrir de crises de panique, dont l’une si grave qu’il avait dû appeler une ambulance pour aller aux urgences. Il fit alors ce qui était logique: reprendre son traitement. En dépit de ses problèmes, Toru valida son diplôme et commença à travailler dans l’informatique. Mais son humeur s’était dégradée et il lui fallait lutter pour conserver un emploi. Lors d’une période particulièrement difficile, il détruisit un ordinateur et fut licencié. Après cet incident, Toru renonça à chercher du travail. Il tentait régulièrement d’interrompre son traitement, mais les effets du sevrage s’avéraient toujours plus forts.
La mère de Toru, Machiko, fut la première personne à réaliser à quel point la situation de son fils était devenue ingérable. Il n’était jamais colérique dans son enfance, insista-t-elle lors de notre rencontre. Les médicaments l’avaient changé. Alors que Toru se débattait dans ses difficultés, Machiko chercha de l’aide auprès des médecins en charge de son fils, et se heurta à un mur. «Ils me voyaient comme une mère intrusive», raconte-t-elle. Finalement, cherchant à échapper à l’hiver japonais, elle les embarqua tous les deux dans une sorte de longue parenthèse thérapeutique à Brisbane, en Australie. Là-bas, un médecin dit à Machiko: «Si Toru était mon fils, j’irais directement voir le Dr George O’Neil.»