Une paire de seins tout neufs et un chat errant. Parfois il ne faut pas grand-chose pour mettre fin à une cavale. En l’occurrence, la plus longue et la plus incroyable de l’histoire des Etats-Unis. Une cavale à l’image du fugitif, James Bulger dit «Whitey», un homme cruel, impitoyable, une machine à tuer redoutablement intelligente, un capitaliste archaïque qui ne sait faire de l’argent que par la violence, le meurtre, le chantage, l’extorsion et la menace, en se servant d’instruments censés protéger les Américains de criminels aussi endurcis que lui.
Boston, janvier 2011. Sur le port, au nord-est de la ville, dans un bâtiment aux allures de navire, celui des gardes-côtes, est niché depuis quatorze ans, la Task Force Whitey Bulger, un groupe spécialement mis sur pied pour traquer et arrêter le deuxième fugitif le plus recherché par les Etats-Unis juste derrière Oussama Ben Laden. Sur les murs, des affiches rappellent que sa tête est mise à prix pour deux millions de dollars. A côté, sur des cartes, des épingles de couleur signalent tous ses lieux de prédilection et les endroits où Whitey Bulger aurait été vu. Quelques rares clichés aussi qui datent de sa première arrestation, il y a de plus de quarante ans. On y voit la silhouette floue d’un homme qui dissimule son apparence sous un chapeau et des lunettes de soleil. Sur les dernières photos prises par des caméras de surveillance, Whitey Bulger apparaît sans visage. «Pour dîner avec le diable, il faut une très longue cuillère», dit le proverbe. Celle des agents de Boston ne l’était pas assez. A la fin, on ne savait plus qui faisait quoi. Whitey Bulger travaillait-il pour le FBI? Le responsable de la Task Force, Richard Teahan, pense lui que c’est plutôt l’inverse qui s’est produit: «Le problème m’explique-t-il, c’est que Whitey Bulger contrôlait les agents plus que les agents ne le contrôlaient.»