En ce début d’après-midi du mois d’août, le soleil brille sur l’île de Bornholm et ses 39’000 habitants. Pas un nuage dans le ciel au-dessus de ce petit bout de terre danoise qui flotte dans la Baltique, à mi-chemin entre l’Allemagne et la Suède. Petites lunettes rondes et cheveux grisonnants, Morten Kjær Andersen, fringant quinquagénaire, nous conduit vers l’arrière de la coquette maison en briques qu’il a achetée avec sa femme Margit, il y a une trentaine d’années, en bordure du port de Rønne. Du jardin fleuri, j’aperçois la mer à une centaine de mètres. C’est un temps à aller se baigner. L’électricien se réjouit. Sur son toit, les vingt-cinq panneaux solaires qu’il a installés fonctionnent à plein régime depuis le lever du jour. Le compteur, fixé sur la façade en briques blanches, indique 3’515 watts, soit une moyenne quotidienne d’une trentaine de kilowatts-heure (kWh). Le couple et leur benjamin, le seul des trois enfants à vivre encore à la maison, ne consomment que 5 kWh par jour. Le surplus est réinjecté dans le réseau et décompté de la facture électrique. Pour Morten et sa femme, c’est autant d’économies réalisées avant l’hiver. Pendant longtemps, la famille s’est chauffée à l’électricité. Mais sur l’île balayée par les vents, le mercure peut tomber très bas. C’était un gouffre financier. Profitant d’un crédit d’impôt, l’électricien a décidé d’investir dans une pompe à chaleur en 2013. S’il n’a bénéficié d’aucune subvention pour l’achat des panneaux photovoltaïques, l’électricien est convaincu que les économies qu’il réalise couvriront les 110’000 couronnes (16’000 francs) qu’il a déboursées, d’ici une dizaine d’années. Il a aussi renforcé l’isolation du toit et remplacé toutes les fenêtres de la maison par des vitres énergétiques, qui absorbent la chaleur. Le résultat est indéniable: «Notre consommation annuelle est passée de 15’000 kWh à 5-6’000 kWh, soit une économie annuelle de 20’000 couronnes (un peu moins de 3’000 francs).»
Le Bornholmois, qui me sert un café sur la terrasse, ne s’en cache pas: s’il a fait tous ces investissements, c’est d’abord en pensant à son porte-monnaie. Soumise à une lourde imposition, «l’électricité est très chère au Danemark», dit-il, plus de 30 centimes d’euro le kilowattheure au second semestre 2014, un record en Europe. Mais le père de famille le concède: «Le sentiment d’avoir fait quelque chose pour l’environnement est aussi gratifiant. Nous n’avons pas le choix: Bornholm doit devenir une île verte. C’est dans l’intérêt de tous.» D’ailleurs, il se réjouit que les dirigeants locaux commencent à prendre leurs responsabilités. Ils ont décidé de se débarrasser une fois pour toutes des carburants fossiles. Il est vrai aussi que cette île possède un sacré atout: située à 170 km de Copenhague à vol d’oiseau, ce confetti de 588 km² détient le record d’ensoleillement au Danemark, entre mai et septembre, avec 20% de journées de soleil de plus que le reste du royaume! L’objectif affiché de Bornholm est ambitieux: 100% d’énergies renouvelables consommées d’ici 2025. La municipalité s’est engagée à faire de son territoire une bright green island, une île verte lumineuse ou intelligente. Et pour faciliter cette transition énergétique, le petit bout de terre ne lésine pas sur les moyens: la municipalité l’a transformé en laboratoire, proposant aux chercheurs et entreprises de venir y tester les technologies qui lui permettront d’atteindre son objectif.