Dans la carrière, le paysage est minéral en cet été 2015. Poussière et pierres se disputent le terrain. A quelques kilomètres de là, la maigre forêt de la Chapada de Araripe fournit un semblant de fraîcheur. Mais au fond de la mine, le vent ne passe pas, les falaises creusées par les hommes au fil des années l’en empêchent. Seules restent la lumière aveuglante et la chaleur intense qui écrase les mineurs enturbannés suant à grosses gouttes. Plusieurs heures par jour, ils creusent, découpent et rangent des plaques de calcaire qui sont vendues dans tout le Brésil. «Cette roche est excellente et recherchée parce qu’elle ne retient pas la chaleur», explique l’un d’entre eux entre deux coups de marteau.
Mal rémunérés, mal protégés «parce que l’équipement de protection tient encore plus chaud», ces hommes, la peau tannée par le soleil, s’échinent du lundi au samedi, payés à la production. Encore bourgeonnants d’acné ou déjà traversés de profondes rides, leurs visages, vieux avant l’âge, reflètent cette vie de labeur. Les bons mois, les plus habiles arrivent à toucher un salaire minimum de 700 reais (environ 175 francs). Pour améliorer ce quotidien misérable, certains vendent discrètement des trésors incrustés dans la pierre: des fossiles millénaires. «Ici, on en trouve des tas», confirme Gilvain, dont les mains monstrueuses de celui qui travaille la pierre maintiennent fermement un burin et un marteau. Il frappe avec précision, trois incisions sur chaque bord d’une plaque de calcaire qui se scinde idéalement. «Il faut couper pile au bon endroit, sinon on ne les voit pas, ajoute le mineur à l’air renfermé. Juste en les regardant, on sait tout de suite ceux qui ont de la valeur.» Ce jour-là , Gilvain tombe sur plusieurs petits poissons, plantes et insectes figés dans la pierre, sans qu’aucun ne mérite qu’il s’y attarde. Nombre de mines sont en situation irrégulière au Brésil. Celles de la Chapada de Araripe, à la jonction des Etats du Pernambuco, Piauí et Ceará au nord-est du Brésil, ne font pas exception. Elles sont au cœur d’un trafic massif de fossiles depuis les années 1980, initié par l’Allemand Michael Lothar Schwikert. Un commerce qui s’est peu à peu professionnalisé, bien que totalement illégal. Mais le Brésil doit faire face à d’autres problèmes bien plus urgents.