Elle est longue, la liste des «impunis de la République». Ministres, députés, élus et responsables politiques de toutes origines figurent en bonne place dans cet attristant florilège, tout en continuant souvent d’exercer leur mandat ou de poursuivre leurs activités professionnelles. «Une morale pour les aigles, une autre pour les pigeons (formule qui est le titre d’un de ses livres, paru aux éditions Michel Lafon en 2014, nda)», a pu ainsi affirmer l’ancien procureur Eric de Montgolfier. «Trop de ceux qui exercent le pouvoir ne connaissent plus de limites, dit-il par expérience. Outre une réelle addiction aux ors de la République, le goût des portières qu’on vous ouvre et des portes qu’on vous pousse, celui du faste, des courbettes et de l’appropriation des biens publics, ceux-là se caractérisent d’abord par leur incapacité à une normalité dont tout les écarte.»
Ce sentiment de toute-puissance ne date pas de la Ve République. Déjà, à la fin du XIXe siècle, l’opinion publique s’indigna en apprenant que le député Daniel Wilson, par ailleurs gendre du président de la République, Jules Grévy, faisait commerce de décorations et monnayait notamment les remises de légions d’honneur. Deux mois plus tard, en décembre 1887, le président Grévy, couvert d’opprobre, dut démissionner. La procédure judiciaire engagée contre son gendre, elle, dura plusieurs années, avant d’être déclarée nulle et non avenue, et elle n’empêcha en rien Daniel Wilson d’être réélu en 1893, puis cinq ans plus tard encore.