L’air est saturé d’un brouillard lourdement ancré sur le sol. Soudain, le train s’immobilise dans une ultime secousse. Mon sommeil s’interrompt, mais un rêve m’habite. Nous descendons au terminus maritime de Zeebrugge, dans le nord de la Belgique. Une humidité glaçante enveloppe la petite gare de briques rouges. Il est à peine six heures du matin.
Je suis accompagné de ma femme, qui m’assiste comme à chacun de mes repérages. C’est elle qui les organise. Nous contournons le bâtiment dont les portes du hall sont encore closes. L’agent de la compagnie maritime qui doit nous accueillir devrait être là, mais il est en retard. Nous battons le pavé, seuls au monde. Un réverbère balance à sa triste potence une ampoule nue, qui clignote, hésitante, s’éteint, puis se rallume au gré du hasard. Par habitude. Elle projette dans les flaques une lumière agressive. Sur le rond-point qu’elle éclaire par intermittence, la pesanteur a figé le temps. Elle lui a fait perdre son cap. Patients, nous sommes encalminés, assis sur nos sacs, à la manière des personnages surréalistes du peintre Paul Devaux. Pour nous comme pour eux, cette gare préfigure l’accès aux contrées de l’imaginaire.