Pour atteindre la péninsule de la Guajira, il faut prendre un bus depuis la petite ville caribéenne de Santa-Marta, tout au nord de la Colombie. Le plus simple, c’est de se rendre à la gare routière à l’est de la ville pour monter dans le premier bus direction Riohacha, à 170 kilomètres environ en direction du Vénézuela. Le prix du billet se négocie plus ou moins avec le copilote, et dès que le bus est plein, nous pouvons partir. La climatisation tourne à fond malgré le fait que tout le monde se cache sous un pull ou une couverture et la petite lucarne diffuse un film de série B à l’humour douteux. Une fois arrivés à Riohacha, le dépaysement est total et aussi frappant que la température de cette zone semi-désertique en ce mois d'avril 2017. Ici, rien ne ressemble à ce que nous connaissons. Bladimir, notre guide vêtu d’un treillis militaire nous emmène auprès de notre chauffeur, Roberto Carlos, qui nous conduira dans son pick-up durant toute la durée de notre documentaire. Nous passons une nuit dans un hôtel au confort sommaire, nous sommes prêts, équipés et impatients d’entrer dans le vif du sujet.
La Guajira est l’un des départements les plus pauvres du pays. L'Etat est pratiquement absent de cette région géographiquement stratégique pour les groupes paramilitaires et contrebandiers en tout genre qui contrôlent et gèrent nombre d’activités légales ou illégales. Ici, deux mondes s’entrechoquent dans une réalité qui ne fait pas dans la dentelle. L'enjeu de cette confrontation: la souveraineté du territoire, sacré et ancestral pour les uns, facteur de développement et de profits pour les autres. Côté face, le peuple indigène wayúu qui réside depuis des temps immémoriaux dans la péninsule de la Guajira, un territoire qui s'étend de part et d’autre de la frontière entre la Colombie et le Venezuela. Bien qu’entourée par la mer des Caraïbes et le Golfe du Venezuela, la sécheresse sévit depuis plusieurs années dans cette région où les ressources en eau potable sont rares et l'approvisionnement un problème récurrent pour les populations locales qui vivent essentiellement de l’élevage, de la cueillette et de l’artisanat.