Sept.info | Les nouvelles déesses de Kiev

Les nouvelles déesses de Kiev

© Niels Ackermann / Lundi13
Anja est déguisée en Minnie Mouse «rouge», sa sœur en Minnie Mouse «verte», d’autres portent un déguisement d’ours ou de lapin. Kiev, le 7 juillet 2015.

En Ukraine, où l'on cultive le mythe du matriarcat, le stéréotype de la femme idéale est un mélange de Berehynia, mère de la nation, et de... Barbie. Un héritage plutôt lourd à porter quand on est une jeune femme de vingt ans. Cinq d'entre elles décrivent leur quotidien et leurs espoirs pour leur pays, où la Révolution de la dignité a bouleversé de nombreux repères.

La ville de Kiev est dominée par des femmes. Sur la fameuse place de l’Indépendance, qui a vu couler tant de sang lors de l’Euromaïdan entre novembre 2013 et février 2014, se dresse une déesse ailée répondant au nom de Berehynia. Mélange d’une roussalka, naïade fantomatique issue de la mythologie slave, et d’une divinité de la Terre chez les Scythes, cette figure a été récupérée par le courant nationaliste romantique ukrainien à la fin du XXᵉ siècle.

La colonne couronnée par cette Berehynia, avec ses dorures délicieusement kitsch, a été érigée au centre de la capitale en 2001 pour remplacer Lénine. Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, cette déesse revisitée est devenue une figure protectrice de la nation, l’incarnation de la femme ukrainienne idéale aux yeux de nombreux écrivains. Plus au sud-est, non loin du Dniepr, une autre femme, mère de la patrie emblématique de la période soviétique, surplombe la capitale à 60 mètres de hauteur, brandissant fièrement son glaive et son bouclier de titane. 

Contrairement à la Russie, l’Ukraine a placé le mythe du matriarcat au centre de la réinterprétation de son héritage culturel après la chute du communisme. En Occident, le constat peut surprendre. En effet, les clichés placent plutôt les Ukrainiennes du côté des femmes dociles et soumises, de celles qu’on va chercher comme épouses parce qu’on les imagine plus «douces» que les Occidentales. Selon Oksana Kis, qui dirige le Centre de recherche «Femme et société» à Lviv, dans l’ouest du pays, la superwoman soviétique a été supplantée en Ukraine par deux modèles féminins concurrents au cours des vingt dernières années: Berehynia, symbole du nationalisme, et… Barbie, figure du consumérisme à l’occidentale, dont le corps est un objet de plaisir érotique et esthétique pour les hommes. Dans les deux cas, relève la chercheuse, la fonction est la même: servir – soit le mâle, soit un Etat-nation patriarcal. D’après Oksana Kis, l’ancienne Premier ministre et femme d’affaire Loulia Timochenko incarne parfaitement ce double visage de la féminité. Ce qui explique son immense popularité en Ukraine: elle est à la fois la mère vertueuse de la nation et un sex-symbol national.

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