Je me sentais pleinement en sécurité sur le mont Ararat, jusqu’à ce que je voie Stanislav dévaler la montagne sur le dos. Stanislav est l’archétype du Russe tel qu’en rêve Vladimir Poutine: crâne rasé, yeux gris acier, des bras gonflés comme ceux d’un bodybuilder. Depuis trois jours, «Stan» avait pris la tête de l’ascension de la montagne, mais le chemin détourné qu’il empruntait à l’instant sous nos yeux pouvait le mener à sa perte. Il tournoyait à toute vitesse, telle une toupie, jusqu’au pied de la montagne. Dans sa chute, Selahattin, notre guide, essaya de l’attraper, perdit l’équilibre, tomba à son tour. Selahattin parvint toutefois à planter son bâton de marche dans la neige et à arrêter sa chute. Stan, lui, continuait de glisser sur la pente de glace de plus en plus raide, tout droit vers la zone rocheuse qui s’étendait une trentaine de mètres plus bas. Je plantais mes crampons dans la neige et hurlais en moi-même: «Bon Dieu, mais qu’est-ce que tu fiches ici?»
Le mont Ararat (5165 m) est connu en Turquie sous le nom d’Agri Dag – la «Montagne de la douleur». Situé à la frontière entre l’Iran et l’Arménie, il s’agit du plus haut sommet turc. «Le septième mois, le dix-septième jour du mois, l’arche s’arrêta sur les montagnes d’Ararat», lit-on dans la Bible, Genèse 8:4. Même si pour beaucoup de gens, le terme «montagne d’Ararat» fait référence à une région géographique, elle est le lieu du déluge, de l’arche de Noé et du sauvetage de l’humanité. Un symbole de rédemption et de renaissance. Toutefois, pour le petit nombre d’individus qui interprètent la Bible de façon littérale, la montagne renferme bien plus que cela: elle est l’actuel lieu de repos de l’arche, un site archéologique qui pourrait potentiellement prouver l’existence de Dieu.