«La fille était inconsciente dans les toilettes du club, et rien ne pouvait la faire revenir à elle», se souvient Sandrine, responsable d’une salle de concert dans le canton de Vaud. «Quand on a interrogé ses amis sur ce qu’elle avait pris, ceux-ci nous ont répondu pêle-mêle: ecstasy, ritaline, joint et alcool. Ils ont ensuite ajouté qu’elle avait 16 ans». Un cas à part en cette année 2014? Pas vraiment, répond la jeune femme qui observe régulièrement des mineurs consommer des drogues dures. Ecstasy, amphétamines, cocaïne et autres LSD ne sont plus désormais réservés aux 25-30 ans adeptes de rave-parties. Elles se sont démocratisées, pour ne pas dire banalisées.
Raphaël*, 17 ans et apprenti, confirme. Ce Fribourgeois consomme lui aussi des amphétamines ou de l’ecstasy à peu près chaque week-end. Il a commencé à fumer du cannabis à 14 ans et, depuis un an et demi, il est petit à petit passé à la vitesse supérieure. «A l’époque où je ne fumais que des joints, j’avais une mauvaise opinion des drogues dures. Puis des gens autour de moi y ont goûté. Ce n’était pas aussi affreux qu’on le dit. Alors, j’ai fini par essayer». Dans son entourage direct, sept à huit mineurs consomment des drogues récréatives, et bien davantage, de jeunes adultes. Selon Raphaël, les lieux de consommation sont divers: les soirées goa ou hardstyle, classiques du genre, mais aussi les clubs grand public et même les fêtes des jeunesses campagnardes.
Une tendance qui inquiète William Scherrer, chef de la brigade des stupéfiants du canton de Fribourg. Ses hommes perçoivent en effet une hausse de la consommation d’ecstasy, de speed, voire même de cocaïne auprès d’une classe d’âge – les 15-20 ans – auparavant très discrète: «Mais c’est une évolution assez linéaire, pas aussi nette qu’on pourrait le croire, qui se cantonne pour le moment à une minorité, un noyau dur», pondère le policier. Celui-ci rappelle également que si la consommation de ces drogues de fête devait être en hausse chez les plus jeunes, celle-ci demeure très ritualisée: elles ne sont généralement prises que le week-end, dans certains types de soirées, et portent peu à conséquence sur la routine des individus concernés. Une affirmation corroborée par Raphaël: «Personne ne se mettra à prendre des amphétamines en semaine. Les effets sont beaucoup trop visibles, tu serais incapable de bosser correctement, tu perdrais ton job aussitôt», lance-t-il.