Les courtisanes du roi se succèdent. En effet, jusqu’en 1609, Henri IV, qui cède à nouveau à la passion, a comme nouvelle maîtresse Jacqueline du Bueil. Cette dernière, qui a d’autres amants qu’Henri, se retire de la cour. Le Vert galant trouve alors le réconfort auprès de Charlotte des Essarts, puis de Charlotte de Fontlebon et, surtout, depuis 1609, de la jeune Charlotte Marguerite de Montmorency, fille du connétable, qui doit se marier avec Bassompierre.
Charlotte-Marguerite de Montmorency (1594-1650), issue de l’une des plus anciennes familles de France, a séduit le roi lorsqu’elle répétait un ballet. Le charme de cette dernière semble irrésistible, comme le note Michelet: «Mademoiselle de Montmorency, dès sa naissance, avait été une merveille, une légende. Sa mère, plus belle que noble, a la beauté du diable. De là son grand mariage et deux enfants admirables; cette fille de beauté fantastique, telle qu’on croyait que l’autre monde (ange ou diable) y avait passé.» (1) Jules Michelet ajoute: «Le terrible pour le roi, c’était l’âge: elle, quinze ou seize ans; et lui, cinquante-huit.» (2)
Le roi a une stratégie pour écarter Bassompierre de sa route: il envisage de marier Charlotte à son neveu, Henri de Bourbon, prince de Condé, réputé pour avoir un penchant pour les hommes. Alexandre Dumas rapporte les paroles du roi: «Je donnerai à mon neveu, qui aime mieux mille fois la chasse que les dames, cent mille livres par an pour passer son temps, et je ne veux d’autres grâces d’elle que son affection, sans prétendre davantage». Henri IV pense que Charlotte de Montmorency sera sienne… Bassompierre obéit au roi la mort dans l’âme. Sur insistance du monarque, Charlotte se marie avec Henri de Bourbon. Mais, contrairement aux attentes du roi, le mariage s’avère une révélation pour Henri de Bourbon! Il tombe follement amoureux de sa femme et ne veut pas la partager avec le roi, malgré les fortes pressions exercées par ce dernier… Le jeune Henri de Bourbon, fou de rage, a une altercation avec le souverain: il ne veut pas lui livrer Charlotte. Le jeune marié enlève sa femme le 29 novembre 1609, fuit le royaume de France et se met sous la protection des gouverneurs souverains des Pays-Bas. Ces scènes de séduction et de jalousie se déroulent sous le nez de la reine Marie de Médicis. L’historienne Janine Garrisson relève avec ironie que «l’ambassadeur de Florence, humilié sans dote par le milieu dans lequel se trouve vivre la princesse de Médicis, murmure à juste titre qu’il n’a jamais vu un bordello semblable à cette cour…» (3)
Alain Chardonnens, historien et enseignant-formateur à l'Université de Fribourg