La question de sa descendance et de la pérennité du pouvoir royal rongent le souverain. Henri, qui est sur le point d’aborder la cinquantaine, n’a pas encore d’héritier mâle légitime, bien qu’il soit déjà le père de plusieurs enfants issus de ses relations avec ses maîtresses.
Le roi partage sa vie avec Gabrielle d’Estrées, que la cour et les pamphlétaires surnomment la «duchesse d’Ordure» et de «putain à chien» (1).
Qui est-elle (vers 1573-1599)? C’est la fille d’Antoine, baron du Boulonnois, vicomte de Soissons et Bersy, marquis de Coeuvres, gouverneur de l’Ile-de-France, et de Françoise Babou de La Bourdaisière.
En novembre 1590, Roger de Bellegarde, grand écuyer de France, a le malheur de présenter sa maîtresse au roi. Ce dernier, en proie à la passion, créée pour elle le duché de Beaufort et comble d’honneurs sa parenté. Devenue marquise de Montceaux, puis duchesse de Beaufort, elle convainc Henri de se marier avec elle.
Le pape Clément VIII se montre hostile au projet de mariage avec cette sulfureuse maîtresse au nom de la morale. De plus, quel enfant mâle du couple le pape devra-t-il légitimer pour prétendre à la succession au trône? César (1594-1665) ou Alexandre (1598-1629), fils de Gabrielle et d’Henri?
Ou alors l’héritier mâle issu de leur union qu’elle pourrait avoir une fois reine? Détestée par le peuple, elle meurt, enceinte de quatre mois du quatrième enfant du roi, dans d’horribles convulsions chez le financier Sébastien Zamet. La question dynastique se pose réellement.
Son influence sur le monarque est marquée. Elle réussit à convaincre le roi de l’épouser aux environs de Pâques 1599. Et, comme le rappelle Jean-Pierre Babelon, «durant les deux années de son existence, Gabrielle tient véritablement le rang d’une reine de France» (2).
Henri, sans héritier mâle légitime, se laisse d’autant plus convaincre qu’il est victime d’une sévère attaque de fièvre en octobre 1598. «La mort du roi aurait plongé le royaume dans les mêmes affres qu’en 1588» (3), déclare Yves-Marie Bercé.
«Le roi était conscient du problème; il avait résolu d’épouser son actuelle maîtresse, Gabrielle d’Estrées, qu‘il avait faite duchesse de Beaufort, et de légitimer les trois enfants qu’elle lui avait donnés.
La duchesse était belle, intelligente, soutenue à la fois par des protestants, qui préféraient cette alliance à celle d’une princesse venue d’une cour catholique, et par d’anciens ligueurs auxquels elle était apparentée» (4). Gabrielle, enceinte, mourra – sans doute – d’une éclampsie puerpérale le 10 avril 1599 (5). On évoque un empoisonnement.
Alain Chardonnens, historien, enseignant-formateur à l'Université de Fribourg
Notes et références
(1) Lachère Monique: Henri IV. Paris, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1994, p. 75.
(2) Babelon Jean-Pierre: Henri IV. Paris, Fayard, 2000, p. 649.
(3) Bercé Yves-Marie: La naissance dramatique de l’absolutisme (1598-1661), Nouvelle histoire de la France moderne, tome 3. Paris, Éditions du Seuil, 1992, coll. «Points Histoire», n°209, p. 15.
(4) Ibid., p. 15.
(5) Garrisson Janine: Henri IV. Paris, Seuil, 2008, p. 245.