Alexandre Dumas et ses compagnons, mal préparés, quittent Martigny pour se rendre à l’hospice. En chemin, le 26 août 1832, ils sont pris dans une tempête de neige: «En effet, rien de tout ce qui nous entourait ne poussait à la gaieté: le froid devenait de plus en plus vif, et la neige tombait avec une prodigalité croissante; la nuit n’était éclairée que par un reflet mat et blanchâtre; le chemin se rétrécissait de plus en plus, et de place en place les quartiers de rochers l’obstruaient, tellement que nos mulets étaient forcés de l’abandonner et de prendre des petits sentiers sur le talus même du précipice dont nous ne pouvions mesurer la profondeur que par le bruit de la Drance qui roulait au fond; encore ce bruit, qui à chaque pas allait s’affaiblissant, nous prouvait-il que l’abîme devenait de plus en plus profond et escarpé. Nous jugions, par la neige que nous voyions amassée sur le chapeau et les vêtements de celui qui marchait devant nous, que nous devions, chacun pour notre part, en supporter une égale quantité.»
Alexandre Dumas est un bonimenteur. Il reconnaît avoir pris beaucoup de liberté avec la réalité. A-t-il vraiment affronté une tempête de neige sur le chemin du Grand-Saint-Bernard alors que les registres indiquent qu’en date du 26 août 1832, la météo était plutôt clémente? Pourquoi la chronologie figurant dans les archives des lieux visités ne correspond-elle pas avec celle avancée dans les Impressions de voyage?
Alain Chardonnens, historien, enseignant et formateur à Fribourg
Source: Alexandre Dumas, Impressions de voyage en Suisse, tome 1. Texte édité et présenté par Alain Chardonnens. Paris, L'Harmattan, 2015.