C’est l'un de ces coins du monde, oublié de tous. Un pays invisible sur les cartes de nos esprits, de nos journaux ou de nos écrans... Et dont le nom même sonne bizarrement à nos oreilles: Somaliland. «Land»: le mot trahit les origines britanniques de cette contrée désertique dont les plages sont caressées par les eaux douces amères du Golfe d’Aden. Et «Somalie» du nom de la langue de terre qui s’étire paresseusement au sud. Officiellement, les deux états n’en font qu’un. Officieusement, ils ont divorcé en 1991 après dix ans de guerre civile. Depuis chacun vit sa vie malgré la communauté internationale qui ne reconnaît pas cette séparation. Suivant les traces et surtout les conseils de Gay Talese, le père du journalisme narratif qui nous a accordé une interview exclusive, Emmanuel Haddad a plongé durant plusieurs semaines dans cet Etat qui n’existe pas, mais où, paradoxalement, règne la paix.
Accompagné de la photographe Adrienne Surprenant, notre reporter a disséqué méthodiquement ce petit miracle dans cette région saccagée par les ambitions des grands de ce monde. Ils ont écouté quelques-uns des dizaines de milliers de désespérés de Somalie, du Yémen ou d’Ethiopie qui y ont trouvé un refuge sûr, bien loin des nouveaux murs bâtis par nos gouvernements. Pour réaliser ce dossier exceptionnel, ils ont suivi sur le terrain caillouteux les nouveaux chercheurs de pierres précieuses dont quelques Européens attirés par ce sous-sol truffé d’opales, d’émeraudes ou d'hessonite. Un nouvel eldorado? Peut-être. A coup sûr un Far East digne des meilleurs westerns-spaghettis.
Reste que cet équilibre est fragile. Les bruits de bottes se font entendre de l’autre côtés des frontières poreuses. Et puis, il y a ce climat qui se détraque, ces pluies qui se font attendre, ce sable qui avale les terres fécondes et dévore les troupeaux de chèvres. N’en déplaise aux climatosceptiques, le réchauffement climatique frappe les Somalilandais comme le soleil vertical de l’Equateur. Comme les poings des violeurs qui, jusqu’à aujourd’hui, profitaient d’une impunité totale pour consommer de la femme. Ça change et c’est le moment.
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