Le problème avec les guerres, même asymétriques, c’est qu’elles vous obligent à choisir. A choisir entre le blanc et le noir. Le bien et le mal. Entre nous et eux. Finies les nuances. Terminé le temps de la réflexion. Il y a un axe, une frontière qui se dessine dans nos âmes, nos cœurs, nos têtes, nos amours. Un mur. Un camp. Et gare à ceux qui préfèrent les chemins de traverse. Si la première victime de la guerre, c’est la vérité, la seconde, à coup sûr, reste le libre arbitre. C’est d’ailleurs ce qui m’hérisse le plus le poil à force de voir les barbus imposer leur agenda sanglant en réponse aux guerres orientales des administrations Bush-Obama et à leurs centaines de milliers de morts anonymes.
Plus personne ne se demande qui a ouvert la boîte de Pandore de l’islam radical. Qui l’a structuré. L’a alimenté. Qui a menti au point de nous faire croire que le problème venait de l’Iran et de la Russie. Qui ferme encore les yeux sur cette Arabie saoudite qui souffle sur le feu. Et pourquoi l’Occident sera jugé par l’histoire pour avoir laissé des monstres grandir sous ses yeux.
Surtout, cette situation biaise notre regard sur la religion, opium des extrémistes. Chaque attentat, chaque attaque, chaque goutte de sang versé au nom de Dieu nous prend petit à petit en otage. Il viendra un jour, prochain malheureuse- ment, où il faudra choisir son camp et montrer patte blanche même si la religion ne concerne personne d’autre que soi. Que notre rapport à la vie, à l’autre et à la mort. C’est notre affaire. Pas celle de notre voisin, ni de l’Etat qui n’a qu’une mission: assurer une laïcité pure et dure, seul rempart de la liberté religieuse.
En fait, croire, c’est un acte personnel. Intime. Comme le sont ces chambres de religieux qu’ont pu visiter exceptionnellement Elsa Dorey et Klervi Le Cozic. Sur la pointe des pieds. On y prie. On y pleure. On y souffre. On y écoute de la musique. On y écrit. On y vit quoi...
Une porte sur une intimité avec le divin que nous ouvrent également les artistes underground de Jérusalem qui tentent de construire des ponts interreligieux grâce à la musique, à la poésie... et au skateboard, ou les disciples de la zaouïa al Alawiya, une confrérie soufie de l’Ouest algérien dont la sagesse et la douceur peinent à se faire entendre dans la cacophonie actuelle de l’islam.
Une cacophonie qui résonne aux oreilles des fous d’Hussein qu’Eric Lafforgue nous fait rencontrer. Son superbe récit photographique nous plonge aux côtés des fidèles chiites commémorant la mort du petit-fils de Mahomet lors de la fête d’Achoura. Coloré. Brillant. Vibrant. Intense.
Une manière de prouver qu’ici, comme là-bas, croire n’est pas morne, ni sanglant. Mais personnel. Joyeux. Humain. Et que ceux qui veulent nous imposer leur foi par la violence ne sont ni des résistants ou des terroristes, mais des criminels. De quelque bord qu’ils soient.
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