Depuis le début de notre aventure en 2014, nous avons toujours aimé, chez Sept, la photographie. Non pas sous la forme d’images d’illustration qui n’ont pour but que d’accompagner des récits écrits ou de remplir des pages trop vides, mais bien dans le plus pur respect du huitième art: le photojournalisme qui a pris son envol durant et après la Seconde Guerre mondiale.
Il s’agit là d’un exercice difficile, celui de capter l’instant décisif comme l’écrivait Henri Cartier-Bresson que j’avais eu le privilège d’interviewer quelques semaines avant sa mort en 2004. A l’époque, le cofondateur de l’agence Magnum m’avait expliqué son plaisir de rencontrer l’autre, son envie de mieux comprendre son monde en le parcourant, son appareil photo toujours à portée de main, pour saisir le moment, la scène qui raconterait une histoire. Mieux que mille mots.
Le Français né en 1908, au moment où la photographie n’en était qu’à ses balbutiements, avait ajouté, durant notre échange, qu’il aimait la lenteur, qu’il lui fallait prendre son temps pour comprendre la vie, que le journalisme était avant tout une question de temps, d’espace, de volonté et d’opportunité, voire même d’opportunisme comme l’expliquait l’un des pères du photojournalisme, l’Allemand Erich Salomon qui passait pour le roi des indiscrets.
Cette discussion avec Cartier-Bresson avait été une gifle pour le journaliste d’actualité que j’étais. Une révélation aussi qui a ensuite nourri, dix ans plus tard, les réflexions autour de la création de Sept et de son ADN, de notre envie aussi de casser les codes et de ralentir le rythme d’une information qui vous, qui nous assaille au quotidien.
Rien d’étonnant dès lors que Sept privilégie les portfolios longs et riches qui racontent des histoires vraies, qui sentent la sueur, le sable chaud, le terrain quoi. Ce terrain qu’Henri Cartier-Bresson aimait profondément. Tout comme les Robert Franck, René Burri, Michael von Graffenried, Jordi Ruiz Cirera, Pascaline Marre, Aude Osnowycz, Charles-André Habib, Stéphane Lagoutte, Didier Ruef, Romain de l'Ecotais ou Thomas Brasey dont nous avons publié les travaux.
Et ne croyez pas que nous allons nous arrêter en si bon chemin. Le Sept mook spécial photojournalisme que vous tenez dans les mains en est la preuve. C’est le premier d’une longue série de magazines-livres que nous allons consacrer exclusivement au monde du photojournalisme, suisse notamment.
Mieux, nous sommes accompagnés dans ce projet ambitieux. Nous avons en effet le plaisir de vous annoncer que nous avons conclu un partenariat avec Keystone-ATS, l’agence de presse suisse, dont nous allons publier régulièrement des narrations photographiques sur notre site et dans notre mook. Et pour notre première collaboration, ses photoreporters nous emmènent sur les pas des gardes-voies du tunnel du Gothard.
Un autre monument du photojournalisme suisse nous ouvre les portes de ses archives: il s’agit du Fribourgeois Jacques Thévoz dont le travail, trop longtemps oublié, n’a rien à envier à celui des maîtres du genre. Sa série sur les Fribourgeoises, qui court des années 1940 aux années 1960 et que nous publions accompagnée par un texte de l’écrivain Jean-François Haas, nous rappelle qu’il est même un auteur majeur.
Enfin, ce mook spécial est l’occasion de vous présenter les travaux des lauréats et participants de notre Prix photo pour les moins de 30 ans, remporté cette année par Svetlana Holzner, et de marquer d’une pierre blanche notre partenariat avec le Prix des Jeunes Talents vfg. Ce concours national s’est donné comme but d’offrir aux jeunes photojournalistes une plateforme. Il était tout naturel que nous devenions partenaires pour encourager la relève des Capa, Doisneau, Ronis, Schuh ou autres Seymour.