Sept.info | L'invasion des éléphants en Inde (1/4)

L'invasion des éléphants en Inde (1/4)

Dans l’Etat indien d’Assam, à l’extrême nord-est du pays, des paysans luttent depuis des années contre les invasions d’éléphants sur leurs terres. Premier épisode de cette incroyable lutte.

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Des élephants d'Asie sauvages à Munnar, Kerala. © DR

Les hommes de Nohotia se bousculent au sommet d’une digue de terre haute de six mètres. Dans l’obscurité grandissante, à travers la plaine inondable où poussent des choux, des aubergines et des fleurs de moutarde, ils observent les énormes formes émerger de l’ombre des arbres bordant les rives du fleuve Brahmapoutre. Des hommes aux yeux troubles sont assis autour de petits feux de camps et débitent des troncs d’arbres avec leurs hachettes pour alimenter le feu durant la nuit. Pendu à un arbre, un pneu se consume en crépitant. Au village, des femmes dans des huttes de bambou préparent du poisson au curry pour nourrir les hommes sur le rempart. Deux projecteurs peu puissants balayent sans trêve les champs. La digue a été construite pour contenir le Brahmapoutre lors de sa crue annuelle, mais aujourd’hui, elle représente la dernière ligne de défense contre les éléphants.

A mesure que les couleurs des champs s’estompent au profit des ténèbres, une brume spectrale se forme, l’air s’emplit de grondements sourds et les cimes des arbres commencent à se balancer et à plonger vers le sol. «On dirait qu’une tempête approche», murmure Dhruba Das, songeur. A 32 ans, ce spécialiste de la résolution de conflits humain-éléphant (CHE) fume cigarette sur cigarette. Les villageois crient en assamais et frappent sur leurs dhôls, des tambours à deux peaux portés autour du cou, pour donner l’impression que nous sommes plus grands et plus nombreux qu’en réalité. Certains parlent dans de vieux téléphones portables, omniprésents en Inde rurale.Je braque ma lampe frontale vers l’obscurité. Les bruits se sont rapprochés. Des tiges de riz sèches craquent, des bananiers se fendent et se cassent. Il y a un reniflement, puis un bruit perçant, comme si l’on vissait un boulon géant dans une planche. Un coup de feu est tiré une centaine de mètres plus loin, depuis la digue. Trois hommes vêtus d’uniformes kaki font leur apparition autour du feu près duquel je me trouve. Ils font travailler les culasses de vieux fusils et les portent à la hanche, pointés juste au-dessus des arbres. Ils tirent quelques salves furibondes. Pendant un moment, tout est calme. Nous retenons notre souffle. Puis un cri préhistorique déchire le silence nocturne, un cri qui ne peut provenir d’aucun animal connu.
– Il sont agacés, dit Dhruba. Ils n’aiment pas les coups de feu.
– Que va t-il se passer maintenant ?
– Ils vont attendre quelques heures et réessayer. Ils sont très patients. Ils savent que les hommes ne peuvent pas tenir ainsi éternellement.

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