Agé de 35 ans, lunettes rondes et cheveux noirs épais, Neil Sheehan est l'une des plumes du New York Times. Il a roulé sa bosse en Asie du Sud-Est pour différents médias (UPI, Reuters, Time, etc.) et n’a pas son pareil pour enfiler les scoops. Quand il tient une histoire, il ne la lâche pas, «un vrai bulldog», selon ses collègues. Il est aussi un ami de Daniel Ellsberg, qu'il a longuement fréquenté à Saigon. De retour à Washington, Neil Sheehan couvre le Pentagone. Au soir du 2 mars 1971, Ellsberg, de passage dans la capitale, lui demande l’hospitalité. Ellsberg est fatigué, il vient de se heurter à un nouveau refus d’un membre du Congrès. Les deux hommes parlent toute la nuit. Le lendemain matin, Sheehan demande à l'un des responsables du New York Times l'autorisation de consulter une copie d'une étude gouvernementale sur la guerre du Viêtnam que pourrait lui fournir l'une de ses sources. Il l'obtient. Ainsi, dix jours plus tard, Sheehan retrouve Daniel et Patricia dans l'appartement de son frère Spencer à Boston, et commence à lire.
- Je peux faire une copie? demande-t-il.
- Non, répond Ellsberg. Pas tant que je ne suis pas sûr
que le New York Times
va vraiment publier le rapport.
- J’ai besoin d’un peu de temps. Il faut que je lise
tout le texte, que je fasse des vérifications.
Ellsberg remet une clé de l'appartement à Sheehan en lui précisant qu'il peut rester autant qu’il veut pour lire, mais qu’il ne doit pas emporter la moindre page. De retour à Washington, Sheehan montre ses notes au chef du bureau du New York Times qui n’a jamais rien vu de pareil, c’est une mine d’or. Quatre jours plus tard, Neil Sheehan est de retour à Boston. Il descend sous un faux nom au Treadway Motor Inn de Cambridge, accompagné de son épouse, elle aussi journaliste d’investigation. Ils profitent de l'absence des époux Ellsberg pour se rendre à l'appartement munis de sacs à provisions vides. Neil et Susan se rendent ensuite dans une boutique pour faire des photocopies et remettent tous les papiers à un employé. Lequel tique en voyant le sceau «top secret» sur certaines feuilles. Mais Neil sort sa carte de presse de la Maison-Blanche et lui explique que ces pièces viennent tout juste d’être déclassifiées.