En ce début d’année 1972, Gordon Liddy et Everette Howard Hunt, les deux «plombiers» de la Maison-Blanche, croient avoir déniché la faille qui leur permettra d’anéantir Daniel Ellsberg à tout jamais. En 1968, peu après son retour du Viêtnam, le lanceur d’alerte a consulté un psychiatre à Los Angeles, le docteur Lewis Fielding. Sans doute lui a-t-il livré toute sorte de détails intimes et potentiellement embarrassants. Ni une ni deux, Liddy et Hunt décident de «visiter» le cabinet du psychiatre et d’y photographier le dossier Ellsberg. A Egil Krogh, le chef de la Special Investigation Unit, Liddy assure qu’il a déjà effectué ce genre d’opération quand il était au FBI, cela s'appelait des black bags, des sacs noirs.
Le 11 août, Krogh envoie un mémo à John Ehrlichman recommandant qu’«une opération secrète soit entreprise pour examiner tous les dossiers médicaux encore détenus par le psychanalyste d'Ellsberg». Ehrlichman trace un «E» à côté du mot «Approuver» avec ce commentaire: «A condition que vous nous garantissiez de ne pas laisser de traces.» Hunt et Liddy lui promettent d'utiliser des techniques d'espionnage professionnelles. Steve, un spécialiste de la division des services techniques de la CIA, leur remet des faux papiers: cartes de sécurité sociale, cartes d'adhésion à des clubs, billets d'avion usagés, etc. Il leur fournit aussi des déguisements, perruques, grosses lunettes avec des verres aussi épais que des culs de bouteilles, et un dispositif de «modification de la marche» pour Liddy, un insert de plomb qui, placé dans une chaussure, entraîne une forte claudication. Enfin, une blague à tabac dissimulant à l’intérieur une caméra miniature 35 mm.