Désormais tout le monde se méfie d’Emad Salem. Nullement découragé, il poursuit sa mission. Il raconte à Ibrahim el-Gabrowny, le charismatique cousin d’el Sayyid Nosair, le périple de Detroit et lui fait part de sa préoccupation:
— Les hommes du cheikh se méfient de moi. Ils pensent que je travaille pour le FBI.
— T’en fais pas, tu es juste un peu parano. Ça passera.
El-Gabrowny a raison. Emad Salem reprend sa place dans la salle du tribunal de New York sans que personne ne trouve rien à redire. Mieux, il s’est trouvé un nouveau «travail». Lors de chaque interruption d’audience, un islamiste, toujours le même, téléphone au Cheikh aveugle pour lui faire son rapport. Or, l’homme ne comprend pas bien l’anglais, souvent les débats lui échappent. Ce n’est plus le cas quand Emad Salem prend place à ses côtés et lui traduit systématiquement tout ce qui se dit. Lors des interruptions de séance, l’infiltré du FBI retrouve Ibrahim el-Gabrowny dans les couloirs du palais de justice. Les deux hommes sont en pleine discussion quand passent John Anticev et Lou Napoli venus humer l’atmosphère. Ibrahim el-Gabrowny les connaît. Il entretient avec eux des rapports en apparence courtois qui ne trompent personne. Il les interpelle.
- Je vous présente le frère Emad.
Nullement embarrassé, Salem serre la main des deux agents et leur lance:
— Nous parlions boulot. Je viens de perdre le mien. Pourquoi ne me trouvez-vous pas du travail ?
Anticev et Napoli ne répondent pas.
— Je suis un ancien de l’armée. Spécialiste en explosifs. Pourquoi ne m’embauchez-vous pas?
Les deux agents de la Joint Terrorism Task Force (JTTF) éclatent de rire. Même s’ils n’en laissent rien paraître, ils sont furieux de cette imprudence qui risque de compromettre leur taupe. Ibrahim el-Gabrowny aussi. Il entraîne Emad Salem par le coude. Un peu plus loin, il le tance:
— Tu es fou de leur avoir dit que tu étais un spécialiste en explosifs.
— Pourquoi? On est dans un pays libre.
— Ils ne vont plus te lâcher. Ils vont te surveiller et au moindre incident ils te tomberont dessus.