Au cours du printemps 1992, un nouveau superviseur débarque à la section antiterroriste du FBI. Il s’appelle Carson Dunbar. Ancien agent de police de l’Etat du New Jersey, Dunbar n’est pas un homme de terrain. Jusqu’alors il s’est occupé de l’administration du bureau de New York. Il a rang d’Assistant special agent in charge (ASAC), ce qui le place au troisième rang dans la hiérarchie de commandement, juste après le Special agent in charge (SAC) et de leur supérieur, l’Assistant director qui préside aux destinées de la plus grande agence du continent. Il est directement responsable des agents fédéraux de la ville. Un poste important que dédaignent les agents chevronnés, car il signifie la fin des enquêtes sur le terrain et le début d’une laborieuse carrière bureaucratique. Carson Dunbar prend ses nouvelles fonctions au moment où Emad Salem commence à obtenir des résultats. El Sayyid Nosair et ses hommes viennent de le mandater pour fabriquer des bombes destinées à ensanglanter la ville. L’infiltré risque gros. Raison pour laquelle il ne porte pas de micro et évite de prendre des notes. Mais comme il a mauvaise mémoire et ressent le besoin d’être soutenu constamment, il aurait voulu pouvoir rencontrer John Anticev et Lou Napoli à toute heure du jour et de la nuit. Impossible. Emad Salem aurait aussi voulu travailler exclusivement avec l’agent qui l’avait recruté. Mais Nancy Floyd appartient à l’unité du FBI chargée de traquer les espions soviétiques opérant à New York, elle ne peut s’occuper de terrorisme arabe que s’il y a un lien avec son activité. Or, ce n’est pas le cas. Qu’importe! Nancy Floyd apprécie Emad Salem et le rencontre dès qu’il le lui demande, c’est-à-dire bien plus souvent que de besoin. Une situation tolérée jusque-là par les supérieurs de la jeune femme, mais que n’accepte pas le nouveau responsable de l’antiterrorisme.
Carson Dunbar convoque Emad Salem et John Anticev, en l’absence de Nancy Floyd, afin de débarquer cette dernière. Comble de malchance, quelque temps plus tard, Anticev tombe gravement malade et doit partir en congé pour trois mois. A partir de là, les choses se gâtent. La situation d’Emad Salem à l’intérieur du Bureau se fragilise. Il n’a plus d’interlocuteur direct, Anticev est hors service et les contacts avec Nancy Floyd se réduisent comme peau de chagrin. Carson Dunbar étudie minutieusement le dossier de l’Egyptien et constate qu’au début de l’année, il a été soumis au test du détecteur de mensonges. Le résultat a été mitigé. Il aurait aussi bien pu mentir que dire la vérité… Ce qui au Bureau n’est jamais bon. Dunbar décide donc de reprendre le dossier de zéro et de procéder lui-même à une nouvelle audition de Salem afin de décider de son sort. Il le convoque dans les locaux du FBI. L’infiltré est fâché. Il estime qu’on lui fait courir un risque inutile et ne comprend pas pourquoi Nancy Floyd n’est pas présente. Passablement énervé, il commence à décrire la manière dont il a infiltré la cellule d’el Sayyid Nosair, il parle des armes stockées, des bombes qu’il est en train de fabriquer. En face de lui, l’ASAC est assis sur le canapé du bureau, les pieds déchaussés, dans la position du lotus. Quand Emad Salem en a fini de ses explications, Carson Dunbar prend sa respiration et s’adresse à lui. L’Egyptien a l’impression qu’il lui parle avec condescendance, comme à un gosse ou à un débile. Malaise. L’infiltré comprend vite que son interlocuteur n’a pas vraiment lu le dossier et qu’il ne connaît rien à l’affaire. Quand Dunbar exige que, désormais, il enregistre ses conversations avec le Cheikh aveugle et ses hommes, Emad Salem se lève et met fin à la discussion. Il se précipite chez Nancy Floyd qui l’attend avec son superviseur.
— Vous m’aviez promis que je n’aurais pas à porter de micro. Je ne veux pas témoigner devant les tribunaux. Je ne veux pas que mon nom soit rendu public, il en va de la vie de ma famille, de ma vie.
Les deux agents du FBI se regardent, gênés.
— Je ne vais quand même pas risquer ma vie et celle de ma famille pour 500 dollars par semaine, lâche Emad Salem, effondré, avant de quitter le bureau.