Sept.info | Le retour d’Emad Salem (6/11)

Le retour d’Emad Salem (6/11)

© Archives d'Emad Salem
Le Cheikh aveugle ne voit rien mais ressent tout. Emad Salem se devait d’être très prudent lorsqu’il lui parlait.

Devenu irremplaçable, aussi bien aux yeux du Cheikh aveugle qu’à ceux du FBI, Emad Salem négocie un véritable contrat de travail avec les renseignements américains afin de mener à bien ses missions. Mais la prudence est de mise, le moindre faux pas peut le condamner.

Au début du mois de mars 1993, Mary Jo White, numéro deux du Ministère public de Manhattan préside une réunion avec tous les responsables fédéraux concernés. L’attentat du World Trade Center a eu lieu un mois après l’entrée en fonction du président Clinton. La bombe fabriquée par Ramzi Yousef mérite de figurer au Livre des records: jamais un groupe terroriste n’en a fait exploser de si puissante sur le territoire américain. Mary Jo White est en colère. Véritable pitbull judiciaire, elle a la réputation de ne jamais lâcher sa proie. Ses thuriféraires affirment qu’elle arriverait même à faire inculper un sandwich au jambon.
– Quelqu’un a-t-il une idée, une piste? lance-t-elle à l’assemblée.

Silence dans l’assistance. Puis un raclement de gorge. Louis Napoli, de la JTTF, prend la parole:
– C’est-à-dire… On a peut-être une idée. On avait quelqu’un qui était très près de… heu… ces gens…
– Comment ça «on avait quelqu’un»?
– C’est-à-dire qu’il ne voulait pas porter de micro.

Le sang de Mary Jo White ne fait qu’un tour. C’est un Louis Napoli penaud qui lui résume l’histoire d’Emad Salem et la manière dont Carson Dunbar, le responsable chargé de l’antiterrorisme au bureau new-yorkais du FBI, a mis un terme à sa carrière d’infiltré au sein de la cellule américaine d’Al-Qaïda.
– Remettez-le en piste!
– On le payait 500 dollars par semaine. Ça va coûter beaucoup plus cher.
– Je me fous de ce que ça va coûter, donnez-lui ce qu’il veut.

En sortant de la réunion, Louis Napoli et John Anticev prient secrètement pour que leur ancien contact accepte de rétablir ses liens avec la cellule. L’accueil d’Emad Salem est pour le moins glacial. Après avoir claqué la porte du FBI au printemps précédent, l’Egyptien avait supplié le Bureau de l’aider à trouver un travail. Cela n’était que justice. N’avait-il pas perdu son job de responsable de la sécurité d’un hôtel de Times Square parce qu’il travaillait pour eux? Personne ne l’a soutenu, à l’exception de Nancy Floyd qui s’est démenée pour lui. Emad Salem est méfiant sur ce coup-là. Et si le FBI voulait lui faire porter la responsabilité du fiasco de l’opération d’infiltration? Il n’a aucune intention de jouer les boucs émissaires. Pour éviter tout risque de trahison de la part de ses commanditaires, il décide d’enregistrer à leur insu toutes ses conversations avec les agents fédéraux. Les retrouvailles ont lieu dans les locaux du FBI au 26 Federal Plaza. Elles sont placées sous le signe de l’embarras et de la méfiance. Malaise. De sa précédente expérience d’infiltré, Emad Salem a conservé une paranoïa aiguë. Il se méfie de tout et de tous. Sur les murs de la pièce où John Anticev et Louis Napoli le reçoivent est affiché un organigramme de la cellule d’Al-Qaïda avec les photos des membres qui ont été identifiés. Emad Salem reconnaît aussitôt son visage. Ses pires craintes se confirment. Il est convaincu d’être tombé dans un piège.
– Qu’est-ce que ma photo fait là? Vous pensez que j’ai participé à l’attentat? Vous voulez me le coller sur le dos.

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