Les énormes pales, plus longues qu’une piscine olympique, ne parviennent pas à fendre l’épais brouillard qui recouvre la mer du Nord en cette froide matinée d’octobre. Imperturbables, les 80 éoliennes tournent encore et encore. Seul un sifflement mécanique et régulier trahit leur présence. Après 21 mois de travaux parfois périlleux, le parc éolien offshore d’Amrumbank West, développé par l’Allemand EON, est enfin opérationnel depuis l'automne 2015. Ses moulins à vent géants peuvent produire assez d’énergie pour éclairer 300’000 foyers. Sa capacité de 288 mégawatts (MW) est comparable à celle de la centrale hydroélectrique souterraine de Fionnay en Valais. Mais ériger des éoliennes colossales à 40 kilomètres de la terre la plus proche n’a pas été chose aisée. «J’ai l’impression de terminer un véritable marathon», reconnaît Dominik Schwegmann, le responsable de ce projet qu’il qualifie lui-même de «précurseur».
L’éolien en haute mer est en effet un secteur encore balbutiant dans lequel de nombreux pionniers se sont cassé les dents. Les écologistes s’inquiètent de l’impact environnemental de ces champs de turbines qui pourraient perturber vie marine et oiseaux migrateurs. Le législateur, lui, ne sait pas où autoriser la construction de nouvelles fermes. Quant aux industriels, ils s’interrogent sur les dégradations et la corrosion que les courants et le sel risquent de provoquer sur les équipements. Autre souci majeur: le coût de transport de l’électricité produite en pleine mer vers les clients, souvent loin des côtes, met en péril la rentabilité de tels projets. Inutile de préciser que les premiers courageux qui se sont lancés dans cette aventure sont observés de près par leurs rivaux.