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William Mawwin, 2009.© DR

«J’étais l’élément d’une transaction» (3/5)

A 6 ans, William Mawwin, né Manyuol Mawuein au Sud Soudan, a été capturé et vendu pour esclave. C’est le début d’un long calvaire. Troisième épisode de son récit.

On te bat, on te frappe, tu ne comprends pas la langue, tu dois mémoriser ce qu’ils disent. Pendant deux mois, ils t’attachent les mains et les pieds chaque nuit, tu dors par terre avec les bêtes. Il n’y a nulle part où aller. Après cela, j’ai été choisi pour m’occuper du vieil homme. Mes tâches étaient les suivantes: être son infirmier, son compagnon, l’accompagner à la mosquée pour la prière. Sa femme restait à Babanusa avec les enfants et les petits-enfants. Mon maître aimait rester à l’écart des villes, avec ses bœufs et ses moutons. Lorsque sa femme lui rendait visite, elle était horrible, méchante comme la peste, très, très méchante. Quant elle vient, tout le monde en souffre. Elle s’assoit et fait du café toute la journée, elle se plaint, elle crie, elle pleure. Le matin je cuisine, j’apporte le thé, du thé noir avec du lait, son pain. Je fais le pain aussi. Je fais son lit. Je prépare son déjeuner, souvent du poulet. Je fais la lessive, avec un seau d’eau et du savon. J’étends les vêtements pour qu’ils sèchent au soleil. Le maître priait cinq fois par jour, il était vraiment très croyant. Puis, je commence à prendre des tours de garde pour le bétail, alternant avec son plus jeune fils qui a trois mois de moins que moi, le fils qu’il aime plus que tout. Quand ce fils était là, je devais partir, aller garder les bêtes, me faire crier dessus, me faire battre. Une fois, j’ai perdu une vache et Ahmad, le quatrième fils, m’a donné un coup de couteau. Il m’a dit de la retrouver sans quoi il me tuerait. Après que je l’ai retrouvée, il continue de me frapper, de me battre, il devient vraiment violent.

Pendant quatre ans, je ne suis allé nulle part. Le maître me dit: «Tes parents ne voulaient pas de toi, maintenant je m’occupe de toi. Tout cela t’appartiendra un jour. Je te trouverai une femme. Tu as tes frères. Tu fais partie de notre famille. Voici celle qui sera ta vache-totem.» Donc tu te motives, tu travailles très dur. Mais c’est de la manipulation psychologique. Un discours pour endormir. Pour contrôler ton esprit. Quand j’avais dix ans, le maître m’a emmené avec lui à Babanusa pour la première fois. C’était pendant le Ramadan, nous y sommes donc allés pour acheter des fournitures et pour vendre des vaches, des chèvres, des moutons. La ville était tellement belle! Le maître possédait cette belle maison, une maison en ville. Nous y vivons pendant quatre jours, les quatre plus belles journées de ma vie! Je lui demande: «Pourquoi vivons-nous dans la savane avec les vaches, pourquoi ne pouvons-nous pas vivre ici, en ville?» Pourquoi, me demandais-je, suis-je obligé de vivre attaché, d’obéir à des ordres? A Babanusa, le maître m’achète des biscuits. Je n’ai jamais mangé de sucreries avant. Il y a des voitures partout et, partout, je vois des gens qui me ressemblent, des Dinkas, travaillant pour eux-mêmes. Avant cela, je pensais être le fils ou peut-être le petit-fils du maître, mais à la vue de tous ces gens en ville, surtout les Dinkas, j’ai pour la première fois l’idée de «sauter». De retour au camp, je rêve de Babanusa. J’ai commencé à réfléchir sur la manière dont je pourrais m’enfuir. Je me conduis bien, pour que le maître m’emmène de nouveau avec lui, en ville. Je suis dévoué envers le maître, loyal. Je deviens son meilleur esclave pour qu’il me fasse confiance.

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