Les images d’Eva Leitolf frappent par leur douceur. Elles sont claires, paisibles, inhabitées. Ici, un oranger en fruits, là l’océan ouvert ou encore une route abandonnée au soir qui tombe, sous un horizon sans bruit. Il n’y a dans les photographies de l’Allemande aucun accent de violence, même pas l’ombre d’une menace. Si ce n’est le vide et l’absence qui hantent chacune de ses images. Depuis 2006, l’artiste travaille cependant sur un sujet des plus émotionnels: la question de la migration, de tous ces êtres qui décident un jour de quitter leur pays pour un Eldorado européen imaginaire, ou du moins rêvé comme tel.
On connaît tous les tragédies liées à ces départs clandestins: le scandale du trafic inhumain auquel se livre ces passeurs sans vergogne, la détresse de ces familles entassées sur des rafiots insalubres, l’horreur qui frappe lorsque ces embarcations de fortune s’échouent en pleine mer. Et les cris, la panique et la peur qui tétanise d’effroi ceux qui, rescapés du naufrage, mettent enfin le pied sur la terre qu’ils se sont promises. Rien de tout cela dans les photographies d’Eva Leitolf, qui se méfie de l’émotion, toujours grandiloquente mais passagère. A l’éclat des images choc, la photographe préfère le silence du mystère, et donc du questionnement.