Dès le 11 mars 1967, jour d'arrivée en Suisse de Svetlana Allilouyeva, Emmanuel d’Astier de la Vigerie cherche à la rencontrer rapidement. Un document retrouvé dans les Archives fédérales suisses (AFS) le prouve. Le 15 mars 1967, d’Astier lui adresse une lettre en passant par le Conseiller fédéral Willy Spühler, ministre des Affaires étrangères. Comme tout le monde, d'Astier ignore où est cachée la transfuge soviétique. «Monsieur le Conseiller fédéral, ma femme et moi sommes de grands amis de Svetlana Allilueva dont la quiétude et le repos nous tiennent à cœur. Nous souhaitons que cette lettre lui soit remise et qu’elle puisse, si elle le désire, communiquer avec nous.» La note manuscrite sur le document indique: «Lettre remise le 18.3.67. Confirmer à Mme Blancpain que S. écrira à M. d’Astier.» [Signé] «J.» Cette initiale est caractéristique de la signature d’Antonino Janner, chef du secteur Est du Département politique fédéral et chaperon de la Russe durant son séjour en Suisse.
C’est donc lui qui va se charger de remettre la lettre en mains propres. Quand Svetlana Allilouyeva la reçoit, le 18 mars, elle est cachée dans la maison de repos des sœurs de Saint-Canisius, à Sankt Antoni, dans le canton de Fribourg. Mais pourquoi Antonino Janner a confirmé à «Mme Blancpain» que S.[vetlana] répondra à Emmanuel d’Astier. Tout simplement parce que Bertrande Blancpain, Française d’une grande famille de résistants (les Astier de la Vigerie), est la nièce d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Ayant fui la France pendant la guerre, elle s'est réfugiée à Fribourg, où elle a épousé Claude Blancpain.