Sept.info | Victime des raisons d'Etat (6/7)
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La fille de Staline est accueillie en star par la presse américaine quelques jours après son arrivée à New York, le 26 avril 1967.© UPI

Victime des raisons d'Etat (6/7)

Quand la presse suisse apprend les véritables motifs de la présence de la fille de Staline sur le territoire, celle-ci se trouve déjà aux Etats-Unis, où un raout médiatique est organisé dès son arrivée sur le tarmac de New York. Culture du secret contre culture du showbiz: dans les deux cas, la Russe est victime des raisons d'Etat.

Entre le 11 mars et le 21 avril 1967, Svetlana Allilouyev séjourne clandestinement en Suisse. Elle est d’abord hébergée dans un hôtel de l’Oberland bernois, puis dans deux établissements religieux du canton de Fribourg. Des rendez-vous avec de hautes personnalités politiques étrangères sont organisés dans d’autres lieux tenus secrets. Hormis un bref communiqué du département de Justice et Police (DFJP) à son arrivée annonçant que «Svetlana Allilueva, fille de Staline, qui ne désire pas retourner en Union soviétique, a demandé une autorisation d’entrée en Suisse pour un séjour de repos temporaire», et une toute aussi brève conférence de presse le 13 mars - sans la présence de l'intéressée - durant laquelle Ludwig von Moos, chef du DFJP indique que «La fille de Staline vient en Suisse pour se reposer et souhaite être laissée en paix», plus aucune information officielle n'a filtré durant les six semaines qu'à duré le séjour de Svetlana Allilouyeva dans la paisible Helvétie.

Pourquoi un tel black-out? Tout d'abord, la Suisse a été prise de court et n'avait aucune idée où elle mettait les pieds. Elle a donc tout simplement cherché à défendre ses intérêts, en faisant respecter scrupuleusement sa législation: «nous ne savons pratiquement rien de l’arrière-plan de cette histoire et nous ne connaissons pas les intentions de Svetlana, écrit Antonino Janner dans son rapport. Nous ne savons pas dans quelle mesure les USA ont influencé la décision de Svetlana de demander l’asile en Suisse. J’ai l’impression qu’il s’agit plutôt de la volonté propre de Svetlana.» Or sur ce point, il se trompe, la Russe ayant été poussée à choisir la Suisse par les Américains. Autre raison de ce silence: afin de se mettre à l’abri de toute mauvaise surprise, la représentation suisse à Rome a fait signer à Svetlana Allilouyeva l’engagement de s'abstenir «formellement de tenter d’entrer en contact avec la presse à toute fin publicitaire» durant son séjour. Or la clé de cette négociation réside dans l’exigence secrète posée par la Suisse aux Américains. Si aucun document officiel n'atteste de cet accord secret, on en trouve trace dans le procès-verbal (en allemand) de la réunion de crise du 10 mars 1967 - veille de l'arrivée de Svetlana Allilouyeva en Suisse - présidée par Antonino Janner et réunissant notamment Armin Riesen, chef adjoint de la Police fédérale, et Michaël Gelzer, chef du secteur Ouest du Département politique fédéral, ainsi que deux commissaires de la Police fédérale: «En outre, les USA nous ont donné l’assurance – secrètement! – qu’ils reprendraient Svetlana d’ici trois mois.» Antonino Janner l'écrit également dans un courrier adressé à son homologue Michaël Gelzer, deux ans après les faits, pour lui demander d’archiver tous les documents au sujet de la fille de Staline et, précisément, de garder secret ce point de l’affaire.

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