«La sensation… Cette sensation… Ce n’est pas possible de la décrire.» Ses yeux pétillent. Il mime le geste de la main et ses doigts se referment sur le cristal imaginaire. Sébastien Fragnière a le sourire aux lèvres quand il évoque l’instant magique de la découverte, revit l’euphorie qui l’accompagne. «L’addiction à l’adrénaline» qui anime ce chasseur de trésors est plus forte que tout. La comparaison peut prêter à sourire, mais «c’est comme l’ouverture d’un Kinder Surprise», s’exclame-t-il avec l’accent chantant de la Gruyère. Lorsqu’il découvre un four – une faille dans la roche où sont nichés les cristaux – et qu’il y met la main, il ignore jusqu’à la dernière seconde ce qu’il va y trouver. Les mains du cristallier en portent les stigmates. Elles sont «bouffées», comme l’explique le Bullois. Il a depuis longtemps abandonné les gants, loin d’être pratiques.
Cheveux châtains, mèches blondes, barbe de trois jours, ce grand sportif au teint hâlé passe la plupart de son temps perché sur les sommets et les glaciers suisses. Petit, il crapahutait déjà dans les pâturages du Valais. A l’âge de 23 ans, cet ancien dessinateur en sanitaires est devenu guide de haute montagne. Depuis, le quadragénaire ne vit plus que pour et par sa passion. «Et elle ne cesse de s’intensifier avec le temps», ajoute sa femme, Christine. A l’entrée de sa maison de Bulle, Sébastien Fragnière a décoré son jardinet avec des roches alpines. Mais c’est au sous-sol, loin des regards, que se cache son véritable trésor. La pièce est faiblement éclairée, mais tout n’est que brillance et scintillement. Derrière des vitrines fermées à clé, ce «cueilleur de cailloux», comme il aime à se présenter, a entreposé ses plus belles trouvailles. Des dizaines de pierres. Les pointes de quartz noir côtoient des fluorines rose pâle, les sucres bruns, les chlorites… Elles sont roses, vertes, noires, grises, brunes, transparentes ou brillantes. Parfois imposantes ou bien minuscules. Longues de quelques dizaines de centimètres ou de quelques millimètres à peine. Pointues, polies, rugueuses, douces… les pierres viennent des quatre coins du globe. Sur deux étagères, Sébastien Fragnière expose aussi des cailloux à vendre. Ils lui permettent de «mettre du beurre dans les épinards». Pourtant, le cristallier y est très attaché et hésite parfois à céder ses plus beaux trésors aux collectionneurs: «Les gens veulent la pierre; nous, l’histoire qui va avec.»