Dominée par les petites exploitations familiales, l’agriculture grecque a longtemps été synonyme d’archaïsme par rapport au standard européen. Mais depuis le début de la crise, ce modèle a permis aux citadins sans emploi de se trouver un refuge économique et moral. De plus en plus nombreux, ils repeuplent un monde rural déserté et le ressuscitent avec leurs valeurs et leurs espoirs. «La pomme de Pélion, la firíki, avait une telle réputation que la première ligne de chemin de fer grecque, construite entre 1892 et 1903, traversait sa forêt pour en faciliter l’exportation», raconte Dimitris en arrivant au pied de cette montagne de hêtres, de chênes, d’oliviers et d’arbres fruitiers située à cinq heures au nord-est d’Athènes.
Nous sommes en 2014. Quatre ans plus tôt, ce Grec d'une trentaine d'années a décidé de s’y installer pour cultiver l’olive et la pomme firíki. Avec ses quelques 2’000 oliviers et ses 180 pommiers, l’ex-Athénien fait partie des pionniers de ce que chercheurs grecs et journalistes du monde entier qualifient de «mouvement de retour à la terre», à propos des citadins grecs qui se tournent vers la campagne pour échapper au chômage et à la vie chère.
Mais ce qui frappe, en traversant les villages évidés et les champs d’arbustes sauvages de l’ancienne capitale de la pomme, c’est d’abord ses terres laissées à l’abandon. «Ici, l’apéro au tsipouro (alcool local distillé à partir du marc du raisin, ndlr) commence dès le matin», prévient Dimitris, avant d’avancer une explication: «Les habitants de Pélion ont profité des fonds européens pour se tourner les pouces pendant des décennies. Quand le prix de la pomme a chuté, la plupart des agriculteurs ont arrêté leur production.»