Les greniers de nos grands-mères sont une source inépuisable de découvertes au delà des espérances. C’est le cas du Maître du Soleil, minuscule roman de gare d’une trentaine de pages jaunies, qui ne paie pas de mine. Et pourtant, ce récit datant de 1942 s’avère, au fur et à mesure de sa lecture, stupéfiant. La raison? Il a le même goût, la même odeur, mieux, les mêmes tournures et quasiment les mêmes dialogues que Le Temple du Soleil d’Hergé. Or les aventures de Tintin au pays des Incas ne seront publiées que six ans plus tard. De là à dire que le dessinateur belge a plagié cette histoire signée René-Marcel de Nizerolles, un pseudonyme de l’écrivain Marcel Priollet, prolifique auteur de romans de gare et autres feuilletons littéraires publiés entre 1910 et 1950… il n’y a qu’un pas.
Revenons à l’objet de notre enquête, Le Maître du Soleil. Ici, point de reporter à l’horizon, mais un explorateur. Ou plutôt deux: Hubert de Courtelange et son épouse Marie-Thérèse, partis chercher l’aventure en Afrique et qui, à la suite d’un traquenard, se retrouvent séquestrés par un dictateur local. Enfermés dans des cellules individuelles, les deux comparses ne peuvent communiquer que par l’intermédiaire d’un indigène. Condamné à mourir décapité, Hubert se croit perdu jusqu’au moment où sa bien aimée parvient à lui faire passer un court message indiquant simplement: «Le même châtiment fatal nous attend. Mais nous pouvons y échapper, à condition que notre supplice ait lieu le 21 mai, très exactement 40 minutes après le lever du soleil».
Résolu, le vénérable? Hubert décide de faire totale confiance à sa moitié, tout en attendant l’inéluctable jour avec une crainte certaine. Le moment fatidique approche. Mené par Marie-Thérèse, le couple se présente fièrement devant ses geôliers. Et madame d’entonner une incantation au soleil, lui demandant de les épargner et de plonger à tout jamais dans les ténèbres le peuple ayant eu l’audace de défier des personnes auxquels l’astre du jour obéit.