Sur l’autoroute M3 reliant Budapest au nord-est de la Hongrie, un minibus rutilant avale les 244 kilomètres séparant la capitale magyare de Komlóska dans la pénombre automnale. Rivalisant d’anecdotes tout en dévorant des sandwichs et des pommes à l’arrière du véhicule, un groupe de femmes pimpantes de quarante ans et plus ramène le Prix du meilleur potager décerné le matin même à leur paisible contrée cerclée de collines et de conifères. Une carte postale vivante type Vallon de Réchy accolée à la région viticole de Tokaj, célèbre pour son cru blanc liquoreux haut de gamme adoubé par Louis XIV.
Le conducteur que ces dames appellent «Laci» n’est autre que monsieur le maire, László Köteles (1973-2021), fier de ses administrées qu’il dépose à leur domicile respectif et de son fief qu’il a représenté lors de la cérémonie. Le benjamin hongrois historique des Présidents de commune, élu à 21 ans en 1994, entame son sixième mandat. Catholique grec, il pense que la résurrection s’applique autant à son village qu’à Jésus-Christ. Et pour cause: Komlóska la chrétienne qui salue ses visiteurs avec ce panneau équivoque «Dieu vous souhaite la bienvenue» avait été inscrite sur la liste noire des lieux politiquement dangereux par le régime stalinien de Mátyás Rákosi (1946-1956). Contraints d’abandonner leurs biens, ses habitants, comme ceux d’autres bourgades de la région, furent dans la foulée expulsés de force vers la Tchécoslovaquie.