Après la bataille de Waterloo et l’abdication de Napoléon, dont ils ont connaissance depuis une bonne semaine, Nicolas-François de Bachmann-Anderletz (aussi nommé Niklaus Franz von Bachmann, ndlr), général en chef des troupes confédérées et le commandant en second de l’armée, le chef de l’état-major général Nicolas Antoine Xavier Castella de Berlens (1767-1830), ancien colonel-commandant du 2ème régiment suisse d’infanterie sous le Premier Empire, adjoint à l’inspection générale des troupes suisses en France à la Restauration, s’offrent le grand frisson. Ils ordonnent une marche en avant à toute l’armée fédérale et, au delà de Vallorbe, entrent en France par Jougne le 5 juillet, sans l’assentiment de la Diète. Quelque 20’000 Suisses, dont les flancs sont couverts par deux corps autrichiens, pénètrent en Franche-Comté, officiellement pour pourchasser des corps francs et tenir des positions défensives favorables.
C’est ainsi que les Suisses s’en vont la fleur au fusil, pour autant qu’ils en aient, occuper ou libérer, au choix, la France voisine. Voyons cela d’un peu plus près. Une chose est certaine: auteurs suisses et français se sont peu épanchés sur le sujet. Juste quelques lignes, p. 183, dans l’Histoire de Pontarlier par M. Malfroy, B. Olivier, P. Bichet et J. Guiraud, publiée au Cêtre à Besançon en 1979. Le capitaine Patel a également publié 47 pages de Souvenirs des deux invasions de 1814 et 1815 dans la ville et l’arrondissement de Pontarlier, en 1865. Tout nous semble désagréable dans cette histoire qui voit une Suisse, pourtant destinée à rester neutre, se ranger sans états d’âme dans la coalition destinée à abattre Napoléon, qui plus est, une fois celui-ci définitivement à terre. Afin de complaire aux puissances alliées, des Suisses particulièrement remontés contre la France napoléonienne se lancent à l’assaut de la Grande Nation vaincue avec une incursion militaire outre-Jura bien tardive.
Bien qu’informés le 28 juin de l’abdication de l’empereur, les Suisses désirent saisir quelques bribes de l’ultime victoire sur l’ogre corse. L’opération de Franche-Comté, «cette expédition de flibustiers» aux dires de Fleury, «fut l’opérette après le drame», selon Guillon. Il n’y aura aucun grand fait d’armes; «l’ennemi» est à terre. Les troupes progressent laborieusement en cet été 1815 où il ne cesse de pleuvoir, contraignant au même moment une certaine Marie Shelley, à écrire, du côté de Cologny, son Docteur Frankenstein pour passer le temps.