«Très peu de personnes le savent, mais le Prophète portait souvent des chaussures jaunes», affirme Sherif Ravasi, un brin de malice dans la voix. Elégant et distingué, cet entrepreneur de 35 ans est un pionnier dans le monde de la mode en Iran: en 2010, il a ouvert la première école et agence de mannequins au pays des ayatollahs. Son petit bijou, la «Behpooshi Modeling School», brille de tous ses éclats dans le panorama de la mode islamique iranienne dont l’épicentre est la capitale du pays, Téhéran.
Dans un pays strictement religieux comme l’Iran, il est difficile de croire qu’une industrie comme la haute couture féminine soit prospère. Pourtant, les rues de Téhéran s’évertuent à démontrer le contraire. Consciencieusement apprêtées, la chevelure partiellement apparente sous le voile, les femmes aisées se promènent la démarche légère, munies de sacs à main dernier cri, tandis que des groupes de filles maquillées bavardent devant les magasins, des lunettes de soleil à la Sofia Loren ajustées sur le bout du nez. Derrière elles, les vitrines bariolées affichent un large éventail de vêtements et accessoires aux couleurs vives.
Mais, dans les devantures, un élément de la décoration dérange, intrigue. Les mannequins en plastique n’ont ni seins ni formes. Les attributs féminins sont systématiquement découpés, mutilés aux yeux des passants. Discrètement, les commerçantes tentent de créer des mouvements de tissus. A l’aide d’aiguilles et d’épingles à nourrice, elles redessinent des courbes et donnent forme aux troncs gris.
«J’ai voulu fonder cette école parce que les Iraniens, et surtout les jeunes, ont besoin de s’évader du quotidien», explique le directeur de Behpooshi. Ravasi croit fermement que le style et la mode stimulent l’imagination et aident l’individu à se confectionner un sens identitaire. «Le but officiel de l’école est de répandre la culture islamique iranienne à travers la mode», indique-t-il.