Décidément, Joël Tettamanti a l’art de poétiser l’ailleurs. Le portfolio sur les bergers africains dont nous vous proposons ici des images contraste avec celui sur le Groenland (2004), dont les maisons de poupée, tâches de couleur écloses dans la neige, avait attiré notre regard sur le photographe vaudois. Mais qu’il s’attache à la manière dont l’homme s’inscrit dans un paysage ou à l’homme lui-même, on retrouve dans ses «études» – terme qu’il préfère à celui de série – une même forme d’enchantement et de surprise, une patte profondément personnelle et subjective.
Depuis plusieurs années, Joël Tettamanti s’intéresse de plus en plus au portrait, mais le paysage garde une place essentielle dans son travail. Dans cette étude intitulée «Kobo» (couverture en langue lesotho), la couverture qui enveloppe les sujets photographiés, hommes, femmes ou enfants, sert de fil rouge, mais les montagnes du Lesotho, royaume indépendant enclavé en Afrique du Sud, sont partie intégrante du cadre. C’est là que vivent les Basotho, des bergers. En 2013, le photographe a choisi de les placer devant son objectif, chambre 4/5 et réflecteur.
Ce peuple, l’artiste le connaît bien; né au Cameroun en 1977, il a grandi au Lesotho, ces couvertures ont fait partie de son quotidien. Elles disent beaucoup sur l’histoire de ceux qui s’en drapent: les premières ont été ramenées d’Europe par les colons et ont peu à peu remplacé peaux de bête et fourrures. «Nous, on les ramenait en Suisse pour regarder la télé», se souvient le photographe, qui souligne que ce travail «a mûri pendant très longtemps.» Il a voulu montrer l’individualité de ses sujets. «Comme ici où chacun porte son jean et lace ses chaussures d’une certaine manière, chacun d’entre eux s’approprie la couverture.» Selon son sexe ou son statut marital, la manière de la nouer sera différente.