Au début des années soixante-dix, il ne fait pas bon être journaliste d’investigation dans l’Amérique de la guerre du Vietnam, et de la chasse à l’ennemi intérieur. A l’exception de Jack Anderson, les enquêteurs sont isolés et peu considérés dans les rédactions. L’école du nouveau journalisme avec Tom Wolf, Hunter Tompson ou Truman Capote est plus célébrée comme genre littéraire que comme forme d’investigation. Une nouvelle génération s’affirme alors, elle est représentée par Seymour Hersh qui obtient le prix Pulitzer en 1970 pour avoir révélé le massacre du village vietnamien de My Lai par l’armée américaine. Le scandale du Watergate marque un tournant dans le journalisme d’investigation quand deux petits journalistes du Washington Post, Carl Berstein et Bob Woodward incarnés respectivement par Dustin Hoffman et Robert Redford dans Les Hommes du président, obtiennent la démission du président Nixon en août 1974 après avoir démontré qu’il avait menti.
Time Magazine décrète que 1974 est l’année des fouille-merde. Cette même année, le prix Pulitzer couronne les journalistes du quotidien new-yorkais Newsday qui ont remonté la piste de l’héroïne des hauts plateaux birmans jusqu’aux ruelles du Bronx en passant par la Turquie, la Bulgarie et la France. Le 24 juin 1976, la première conférence de l’IRE (Investigative Reporters and Editors) rassemble 200 journalistes venus de 35 états américains. Deux jours avant, l’un de ses fondateurs, Don Bolles, reporter à l’Arizona Republic est assassiné alors qu’il enquête sur une grosse affaire de corruption liée au crime organisé. L’IRE reprend le flambeau et des dizaines de journalistes et d’enquêteurs s’installent en Arizona pour enquêter sur le sujet. Nom de code de l’opération: «Arizona Project». Bilan: des dizaines d’enquêtes fouillées sur les liens entre hommes politiques, industriels policiers et mafieux.