Sept.info | Jef, mon second père

Jef, mon second père

Au début des années cinquante qui virent ma naissance, Jef et Michèle, la belle Irlandaise auburn aux yeux verts, son dernier amour, étaient de toutes nos vacances ou presque.

Kessel Baron Kessel Baron
Joseph Kessel devant la petite maison louée par la famille Baron à La Trinité-sur-Mer. Bretagne, vers 1955. © Collection privée Jean-Marie Baron

Il arrive qu’une histoire intime prenne sa source dans les événements de l’Histoire avec un grand H. Ainsi, est-ce en janvier 1943, à Londres, qu’aura lieu une rencontre qui marquera mes jours. Mon père, François Baron, fut le premier Français de l’étranger à rallier le général de Gaulle, le 18 juin 1940; ce qui me sera confirmé plus tard, par Jean Lacouture, dont la biographie du Général fera date. Alors administrateur à Chandernagor, il entendit sur son vieux poste crépitant le fameux appel diffusé par la BBC, qui miraculeusement traversa les continents jusqu’en Inde. Il y répondit aussitôt. Son télégramme reste, hélas, à ce jour, introuvable, ayant, selon l’Institut Charles de Gaulle, probablement disparu au milieu d’un grand nombre de documents de la France libre que transportait un navire coulé par l’une de ces bavures tragiques d’un bombardement allié, au milieu de la Manche… Son ralliement entraîna dans son sillage celui des cinq comptoirs français de l’Inde… Malgré son désir ardent de rejoindre au plus vite le Général, mais obéissant à ses consignes, il demeurera à Chandernagor jusqu’à être nommé par lui, délégué de la France libre pour tout l’Extrême-Orient, à la fin de l’année 1941, occupant, cette fois, le poste à Singapour. Ce n’est qu’à l’hiver de 1942 qu’il pourra s’envoler pour Londres; voyage épique dont témoigne son passeport diplomatique qui se déploie comme une carte du monde.

C’est là, parmi ces quelques Français plus téméraires et courageux que bien d’autres et qu’animait le projet fou de vouloir inverser l’ordre des choses, qu’il vit arriver Joseph Kessel, un beau matin. Kessel, qui, ayant été averti du danger qu’il courait, étant repéré par ses activités de résistance, avait traversé grâce à des passeurs triés sur le volet les Pyrénées, l’Espagne, le Portugal… pour, lui aussi, rejoindre Londres. Il avait pris sous son bras son neveu Maurice Druon, lequel avait à peine plus de vingt ans. Entente immédiate, séduction réciproque entre ces hommes qui, après avoir évoqué les mille histoires de leurs tribulations récentes, croisé les souvenirs du Paris d’avant-guerre, troqué la vodka russe pour le whisky anglais et quelques nuits presque blanches, se lièrent d’amitié pour toujours. Quelques jours plus tard, dans son quartier général de Carlton Gardens, de Gaulle recevait Kessel. «A mon interrogation inquiète sur l’avenir de la guerre, me raconta-t-il, il me fit cette réponse stupéfiante: "Mais, mon cher, c’est réglé, c’est gagné, il n’y a plus que quelques formalités à remplir…" "Quelques formalités", tu te rends compte, alors que la bataille de Stalingrad qui marquera le grand tournant, battait son plein, qu’elle était encore loin d’être gagnée!» Le raccompagnant sur le pas de la porte, le Général ajouta: «Puisque vous venez de France, écrivez donc un livre sur la Résistance des F.F.I. (Forces françaises de l'Intérieur, nda) et davantage si le cœur vous en dit…» Ce fut L’armée des ombres, formidable récit qui inspirera l’un des plus beaux films tirés de son œuvre, que réalisa Jean Pierre Melville, avec Lino Ventura, Paul Meurisse, Simone Signoret…

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