Beyrouth est stratifiée, saturée. Elle vit un syncrétisme désespéré qui la rend belle et monstrueuse. J’ai rarement vu une terre heurter autant ses habitants. La guerre passée est encore si proche. On y parle toujours d’une construction permanente, de ses fêtes, de la vie qui aurait su garder ses droits.
J’y vois pourtant une poussière épaisse qui s’est immiscée partout, déposée là comme un voile sur l’innocence. Les Libanais aiment et détestent leur pays. Ils s’angoissent, pensent que tout peut se perdre toujours. Alors ils jouissent. Il n’y a pas d’autre choix. Et ce presque rien, ce fil ténu, résiste aux vents, les sauve en tissant leur prison. Une cage dorée pleine d’argent et de femmes. Fissurée.