1945. Convaincre l’opinion américaine qu’un ennemi vivait infiltré dans ses rangs était chose aisée. Les Etats-Unis à cette époque? Une société hantée par la conquête de son territoire et de ses richesses par le sang, les déportations et l’asservissement.
Une nation inquiète de sa masse noire toujours dominée dans le Sud par les lois Jim Crow et en Californie par un racisme institutionnalisé. Populations indiennes et mexicaines avaient, elles aussi, été depuis longtemps matées et réduites au silence. Mais pour combien de temps?
Pour que les Etats-Unis du capitalisme et de la démocratie triomphante puissent continuer de croître et prospérer, il était nécessaire - disaient ses dirigeants - qu’ils demeurent attachés aux valeurs qui les avaient fondés. Libre entreprise. Religion. Patrie. Et que tout cela soit «blanc». Validé par la Constitution. Estampillé US. Pourtant, on s’inquiétait...
On s’inquiétait parce qu’à l’Est, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un vide s’était créé au centre de l’Europe dont l’URSS avait profité pour asseoir sa domination sur la Finlande, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Pologne. Hier des nations souveraines.
Désormais, des «satellites» par lesquels Staline étendait sa sphère d’influence politique. A Washington, on spéculait sur le danger réel que constituait cette expansion. Arsenal considérable, arme atomique, personnalité belliqueuse du chef soviétique: tout incitait le président Truman et ses conseils à la plus grande fermeté.
Mais il était un péril plus immédiat et insidieux encore qui menaçait la nation américaine. Un fléau familier, car déjà combattu trois décennies plus tôt: la doctrine communiste. Que celle-ci vînt menacer les totems sur lesquels s’étaient instaurés l’Empire, son consumérisme, son obsession de la réussite et ses pelouses taillées au ciseau à ongles... Qu’elle séduise sa jeunesse, s’infiltre dans les cercles intellectuels et jusqu’au cœur de l’administration... La société pourrait s’en trouver gangrénée, jusqu’à s’effondrer. Un pays tout entier se fédéra alors autour de sa peur séculaire de «l’autre». Hier et demain, l’afrodescendant. Aujourd’hui: le communiste!