Sept.info | L'enfer et le paradis selon Marcello Dell'Utri (3/3)
Mafia Dell'Utri Mafia Dell'Utri
Marcello Dell’Utri, proche allié politique et associé commercial du Premier ministre Silvio Berlusconi, commente la peine de 9 ans de prison à laquelle il a été condamné pour ses liens avec la mafia sicilienne à l’issue d’un procès de 7 ans à Palerme, le 11 décembre 2004. © Keystone / AP / Alessandra Tarantino

L'enfer et le paradis selon Marcello Dell'Utri (3/3)

La mafia est la plus fidèle alliée de Silvio Berlusconi. Après l'avoir aidé dans ses affaires, elle lui offre de triompher en politique. Avec l'aide de Marcello Dell'Utri qui va s'y brûler les ailes.

Silvio Berlusconi envisage de se lancer dans la politique. Il sait qu’il ne peut gagner sans les votes contrôlés par la mafia. Un vieil ami va l’aider, Vittorio Mangano. Il avait quitté l'entourage Berlusconi au milieu des années 70 – Silvio le soupçonnant d’être à l’origine de deux kidnappings avortés dont celui de son jeune fils – pour s’installer à Milan où il avait poursuivi ses affaires avec... Marcello Dell’Utri. Lequel avait aussi quitté le magnat de la presse pour travailler pour un industriel sicilien très proche de la mafia, Filippo Alberto Rapisarda. Au début des années 80, tout ce petit monde s'est réconcilié. Dell’Utri a réintégré ses pénates berlusconiennes et Vittorio Mangano s’occupe des rapports avec l'homme d'affaires pour le compte de la mafia. En 1986, lorsqu’une bombe explose devant les bureaux de la Fininvest, sans faire de victimes, Berlusconi téléphone aussitôt à Marcello Dell’Utri. Les deux hommes soupçonnent Vittorio Mangano d’être derrière cet attentat. Ils plaisantent, rient jaune. «Pour lui, mettre une bombe, c’est comme envoyer une lettre recommandée», lance Berlusconi. Les policiers qui écoutent la conversation sont atterrés. Silvio Berlusconi se trompe. Vittorio Mangano ne peut pas avoir commis l’attentat; il est derrière les barreaux où il purge une peine de plusieurs années pour trafic de drogue. La bombe a été placée par un groupe rival de racketteurs de Cosa nostra. Du fond de sa prison, Vittorio Mangano a déjà compris que les choses ne seront plus jamais comme avant. Il se plaint régulièrement aux autres hommes d’honneur avec qui il est détenu de ne pas recevoir sa part sur la «concession Berlusconi» et confie à Francesco Scrima, soldat de sa famille, celle de Porta Nuova, que les Corléonais refusent de lui donner 20 millions de lires provenant de Silvio Berlusconi. Vittorio Mangano est libéré le 19 juillet 1992, peu après l’assassinat du procureur de Palerme Paolo Borsellino. Et bien sûr, il réclame l’exclusivité des relations avec Berlusconi. C’était compter sans Toto Riina qui lui fait comprendre de ne pas s’en occuper, qu’il se charge de tout «pour le bien de Cosa nostra».

Vittorio Mangano, élu par ses pairs chef de la famille mafieuse qui règne sur le quartier palermitain de Porta Nuova, retrouve Marcello Dell’Utri à Palerme. Bien que tous deux soient très occupés, ils trouvent tout de même le moyen de se voir à deux reprises les 2 et 30 novembre 1993. Les rendez-vous figurent sur les agendas professionnels de Dell’Utri comme n’importe quelle autre réunion d’affaires. De quoi ont parlé les deux hommes? D’histoires personnelles, expliquera Dell’Utri aux policiers. Faux, rétorquera par la suite le collaborateur de justice Salvatore Cucuzza, successeur de Mangano à la tête de la famille de Porta Nuova. Selon lui, les conversations entre les deux amis portaient essentiellement sur la question de la réforme du 41 bis. Les repentis de la mafia affirmeront par la suite que Bernardo Provenzano, successeur de Toto Riina arrêté en janvier 1993, a passé un accord avec Marcello Dell’Utri: Cosa nostra s’engageait à cesser les attentats en échange de l’assouplissement de l’article 41 bis. Certains auraient même entendu le parrain des parrains déclarer «avec Dell’Utri, nous sommes entre de bonnes mains». 

Le 18 janvier 1994, quatre jours après la dissolution du parlement italien, Berlusconi annonce la création d’un nouveau parti politique de centre droit, Forza Italia. A Capaci en Sicile, à proximité du lieu où le juge Falcone, son épouse et leur escorte ont été massacrés un soir de mai 1992, quelqu’un entre dans la villa du parrain local. L’endroit est désert depuis l’arrestation du maître de céans. L’intrus repart sans avoir rien dérobé, mais après avoir accroché au balcon une banderole aux couleurs de Forza Italia. Non loin de là, dans les rues d’Altofonte, haut lieu de Cosa nostra, le capofamiglia de la commune distribue tracts et cocardes du parti de Berlusconi. Le message est clair: en Sicile, la mafia appelle à voter Forza Italia. Il n’en faut pas plus pour que les dizaines de milliers de voix contrôlées par l’organisation se portent sur le parti de Berlusconi. A Milan, l’industriel en odeur de mafia et ami de Dell’Utri, Filippo Alberto Rapisarda met un étage de son luxueux palais à la disposition de Forza Italia. Silvio Berlusconi remporte pour la première fois les élections législatives italiennes le 28 mars 1994. Il est nommé président du Conseil des ministres, tandis que Dell’Utri reste à la tête des maisons d’édition, des publications et de la régie publicitaire du groupe.

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