Le 2 février 2014, la terre a tremblé dans le milieu de la prévention du cancer du sein. Le Swiss Medical Board (SMB) venait de rendre public un rapport qui remettait en question la vache sacrée de ces spécialistes: le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie. Le SMB recommandait de stopper les programmes existants, et de ne pas en lancer de nouveaux.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. La Fédération suisse des programmes de dépistage du cancer, Swiss Cancer Screening, a exprimé sa «consternation» et souligné la «qualité transparente» des programmes cantonaux de dépistage. La Ligue suisse contre le cancer (LSC) a fait savoir que la «méthodique» utilisée par le SMB ne la «convainquait pas». Même son de cloche du côté de la Société suisse de sénologie (SSS), qui a reproché au SMB de ne pas prendre en considération «les preuves scientifiques» existantes. Toutes ces organisations ont fait part de leur souci de voir les femmes «inquiétées» ou «déstabilisées». Leur levée de boucliers a-t-elle été unanime parce que ces experts voulaient protéger les intérêts de la population féminine?
Si ce premier volet de notre enquête ne cherche pas à trancher le débat de l’utilité ou non du dépistage organisé, il montre en tout cas que les spécialistes qui le défendent en «profitent» tous d’une manière ou d’une autre: par mandats, recettes, fonds de recherche, notoriété, emplois ou contingents de patientes interposés. Les conflits d’intérêts sont donc nombreux. Et le système actuel n’a rien de transparent. C’est au contraire un terrain propice à l’opacité, miné par les cumuls de fonctions et les circularités, où le qualificatif «scientifique» est régulièrement galvaudé.