Sept.info | L’imagerie, quand la Suisse dame le pion aux Américains…

L’imagerie, quand la Suisse dame le pion aux Américains (2/2)

© Sérgio Valle Duarte
Tomodensitométrie du foie-rein. 

La mort n'est que le début car, entre les mains des médecins légistes, le corps vit une «seconde vie» très active pour qu'il puisse révéler tous ses secrets avant de reposer enfin en paix. Grâce notamment à des technologies de pointe inventées en Suisse.

Combien de vocations les experts télévisuels en médecine légale ont-ils suscitées? Un nombre incalculable sans aucun doute. En atteste l’incroyable attrait qu’exercent, depuis une dizaine d’années, les sciences en criminologie. Il est vrai que le legal examiner made in USA semble disposer d’un tel arsenal technologique que la profession a davantage l’apparence d’une récréation pour geek compulsif que d’une profession ardue, contraignante et exigeante. Et pourtant, paradoxalement, ce n’est pas outre-Atlantique que les techniques modernes de l’imagerie forensique sont les plus répandues et les plus utilisées. A eux seuls, les instituts de médecine légale suisses disposent d’un parc technologique ultra perfectionné bien plus important que celui de l’ensemble des instituts médicolégaux des Etats-Unis. Cela vous étonne? Je peux l’imaginer! Lorsque je donne des conférences, j’aime demander au public qui est leader dans le domaine, à son avis. Evidemment, beaucoup de monde croit ce qu’on voit à la télé. Et les gens rigolent bien quand ils entendent que les Experts de Manhattan proposent une virtopsy (autopsie virtuelle) à une famille qui ne supporte pas l’idée de voir un proche bien-aimé disséqué par un légiste. Et pourtant, ce terme à consonance très américaine a été inventé en Suisse! Pas par un Suisse, mais en Suisse. En effet, il s’agit du nom du premier projet ayant pour but de comparer les performances des technologies modernes d'imagerie médicale sur un cadavre humain à celles de l’autopsie médico-légale classique. Est-ce que ces technologies permettent de voir la même chose que l’autopsie? Ou moins? Ou peut-être autre chose? Telles ont été les questions à la base du projet créé par un Autrichien. Non pas moi, mais mon directeur de thèse et mentor, le professeur Richard Dirnhofer. Son idée, sa vision étaient de pouvoir examiner le corps par les technologies modernes sans avoir besoin de l’ouvrir. C’est ainsi, grâce aux fonds de recherche obtenus, que le projet «Virtopsy» est né à l’Institut de médecine légale de l’Université de Berne en 2000, sous la direction du professeur Dirnhofer. Le terme était bien choisi car il se composait des mots «virtual» et «autopsy». Donc l’autopsie virtuelle. Au lieu de disséquer le corps avec un vrai scalpel sur la table d’autopsie, on le dissèque, une fois digitalisé, avec un «scalpel virtuel» sur l’écran de l’ordinateur! 

Les différentes techniques d’imagerie médicale en coupes multiples, notamment la tomodensitométrie (ou CT-scan), introduites à la fin des années 80 en médecine, permettent de digitaliser des corps et de regarder à l’intérieur. Elles ont été développées pour la médecine clinique afin de pouvoir diagnostiquer le problème avant de décider si oui ou non une chirurgie est nécessaire. Imaginez que vous vous rendiez aux urgences car vous avez mal au ventre. Vous serez alors bien content que votre médecin puisse poser un diagnostic grâce à l’imagerie. Sans cette technologie, il faudrait d’abord ouvrir le ventre pour voir s’il y a quelque chose à réparer. Vous voyez un peu l’intérêt, maintenant? Mais pourquoi ne pas utiliser cette technologie pour les morts? En médecine légale, elle nous permet non seulement de digitaliser les corps, mais aussi des objets déterminants du point de vue médico-légal ainsi que de visualiser d’une manière compréhensible des constatations essentielles. Concrètement, les clichés réalisés vont être stockés chez le légiste sous forme numérique. Ce sont des preuves qui peuvent être ainsi produites en tout temps (en cas de contre-expertise notamment). Les constatations du légiste, ainsi documentées, seront plus accessibles aux différentes instances judiciaires. Prenons le cas d’une lésion cérébrale par balle. Démontrer la trajectoire du projectile en étayant son explication d’un catalogue d’images est évidemment plus efficace qu’un simple rapport écrit. Sans compter que le parcours effectué par la balle est prépondérant pour la reconstitution des faits. La plupart des nouvelles méthodes utilisées pour les examens post-mortem sont identiques à celles de la radiologie clinique développée dans les centres hospitaliers. Au même titre qu’un chirurgien ne va pas opérer «à l’aveugle» mais après avoir visionné différents clichés, le légiste ne va pas pratiquer l’autopsie sans les indications fournies par l’imagerie médicale.

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