Sept.info | La face cachée du paradis des muxhes
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La dernière semaine de novembre est l'occasion d'honorer les muxhes, jusque tard dans la nuit. © Raphaël Laurent

La face cachée du paradis des muxhes

Au Mexique, la ville de Juchitán est réputée pour ses muxhes, un troisième genre constitué d'hommes se comportant en partie comme des femmes. Considéré comme un havre de tolérance dans un pays où 1'310 crimes homophobes ont été commis en 10 ans, ce «paradis» possède une face plus sombre. Les muxhes n’y sont acceptés qu'à la condition qu'ils restent toute leur vie au service de leurs parents et sont condamnés par la société à des relations amoureuses secrètes.

Des hauts plateaux où s'étend Mexico à l'isthme de Tehuantepec, dans le sud du pays, il faut douze heures de bus et une nuit d'un sommeil entrecoupé par les cahots de la route et les ronflements des voisins. Posée depuis le début du XVIe siècle à quelques kilomètres d'une lagune sur la côte Pacifique, Juchitán de Zaragoza compte près de 100'000 habitants. Les Juchitecos, ou plus simplement tecos, sont encore nombreux à parler le zapotèque, une langue préhispanique comptant environ 500'000 locuteurs en 2016 dans la région.

A Juchitán, les rues balayées par les vents chauds du golfe du Mexique traversant l'isthme, conduisent non pas à l'église, comme dans le reste du pays, mais au marché couvert. Derrière les étals où s’entassent têtes de vaches, légumes et produits artisanaux, les hommes sont rares. Ici, ce sont les femmes aux lourdes tresses noires qui dominent le commerce. La vie sociale aussi est une affaire de femmes. Anniversaires, passage à l’âge adulte pour les jeunes filles de 15 ans, cérémonies religieuses, chaque occasion permet de réunir la communauté autour d'une messe, d'un bal, d'un plat traditionnel et de nombreuses caisses de bières.

La dernière semaine de novembre, l'une de ces fêtes - la Vela de las auténticas intrépidas y buscadoras de peligro (la «Fête des authentiques intrépides et chercheuses de danger») - honore les muxhes. Déformation zapotèque du mot castillan mujer (femme), ce terme désigne communément des hommes vivant comme des femmes.

«Certains peuples préhispaniques acceptaient des formes de diversité sexuelle, explique Ricardo Hernández Forcada, directeur de programme à la Commission nationale des droits de l'homme au Mexique. Selon la mythologie, les muxhes conjuguent les deux esprits, masculin et féminin. Ils ont une fonction de médiation, d'éducation, de soin. Ces rôles leur sont assignés et ne sont pas ceux des hommes ou des femmes. En cela, ils peuvent être considérés comme les représentants d'un troisième genre.»

Selon une étude non publiée de David Rymph (Cross-Sex Behavior in an Isthmus Zapotec Village, novembre 1974) présentée en 2011 à la 73e rencontre de l’Association des anthropologues américains à Mexico, ces muxhes représentaient près de 6% de la population de la région en 1974. Aucune actualisation récente ne permet de savoir si cette proportion a évolué depuis lors.

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