Un chaos auquel personne ne semble pouvoir mettre un terme. Depuis plus de six mois en 2013, le photographe d’origine bernoise Michaël Zumstein, membre de l’agence VU, observe et dénonce la spirale de violence et les épurations ethniques qui déchirent la République centrafricaine. Ce témoignage empreint de couleurs pures et vives, exempt de toute sensiblerie, a notamment été publié dans le quotidien français Le Monde. Observateur avisé de l’Afrique depuis plus de vingt ans, Michaël Zumstein, né en 1970 et basé à Paris, éprouve une véritable fascination pour le continent noir. Décrypter les relations parfois ambiguës entre l’Afrique et l’Occident, comprendre et informer sur les raisons des profondes divisions ethniques ou confessionnelles, telles sont ses motivations.
Pourquoi la République centrafricaine?
Je m’étais souvent rendu dans les pays alentour, le Soudan, le Tchad, la République démocratique du Congo, pour couvrir les crises, pour questionner l’efficacité des actions humanitaires ou pour témoigner des conditions intolérables des employés des mines, sans jamais entendre parler de la Centrafrique. A la fin d’août 2013, j’ai commencé à recevoir de plus en plus d’informations inquiétantes sur la situation de ce pays. Ce qui s’y préparait ressemblait fort à ce que j’avais déjà vu dans d’autres pays auparavant. J’ai donc proposé au quotidien français Le Monde de m’envoyer sur place, ce qui a étonné tout le monde: personne ne s’intéressait à la Centrafrique! Je suis finalement parti, en septembre 2013, avec un journaliste.
Sur place, c’était comment?
A l’époque, la situation était l’inverse de celle qui prévaut actuellement. Les rebelles musulmans de la Seleka, qui avaient renversé le régime de François Bozizé en mars 2013, persécutaient la population chrétienne. Je me suis rendu à Bossangoa, à 300 kilomètres au nord de la capitale, Bangui. J’ai traversé des dizaines de villages brûlés, désertés. J’ai assisté à des scènes de lynchages collectifs. Je me souviens d’une vieille femme abandonnée au bord de la route par les siens qui avaient fui. A Bossangoa, près de 25’000 personnes avaient trouvé refuge dans la mission catholique de la ville, après les attaques et les représailles entre membres de l’ex-Seleka et les groupes d’autodéfense de la région.