Sept.info | Lettre à ma maman Monique
Monique Jacot Monique Jacot
Portrait de Monique Jacot. © DR / Collection famille Monique Jacot

Lettre à ma maman Monique

En hommage à sa maman décédée le 6 août 2024, sa fille Stéphane Lévy témoigne de sa soif de liberté, de son oeil aiguisé et de son engagement humaniste.

Une fois tu as dit: «Je ne sais pas quelle image je veux laisser de moi, et si je veux en laisser une.»

Eh bien! j’en ai à foison des images partagées avec toi et je souris à ce qui est, c’est être un peu ensemble, les réminiscences se placent avec la délicatesse de la rosée d’un petit matin de la mi-été.

Je te vois entre autres passer par la terre du Lavaux qui glisse, le Stromboli qui crache ses pierres, Saint-Luc et ses avalanches, les terres minérales du monde où tu as glané des cailloux inégalables que tu as portés dans tes valises pour les déposer en ton royaume.

Puis, je t’entends me dire:

Les cailloux descendent et alors? La terre, ça bouge, rien n’est définitif.

Tu as été nourrie d’une soif de liberté, l’appel de grands espaces, l’au-delà des frontières, une valise éventrée au pied de ton lit, toujours prête à être refermée pour s’envoler.

Voilà ce que tu aimais, voyager, sillonner le monde de ton regard. L’aventure au bout de tes pieds, arpenter l’un des cinq continents, explorer les pourtours de ta terre à la rencontre des situations et, pour finir, traficoter dans ton royaume peuplé de pleins et de vides.

J’honore en toi la citoyenne du monde, la femme engagée, nourrie par l’urgence d’une quête d’unité de vérités de l’instant où s’entrecroisent les images furetées d’une vie d’émotions vécues.

Avec ton œil aiguisé, tu as si bien fixé la mémoire des sociétés, rendu inestimable l’à peine visible. Tu as fait de ton métier un plaisir quotidien, de ta vie une richesse, tu t’es repue.

Malgré ton agoraphobie tu as réussi à surmonter tes angoisses, cachées derrière l’objectif de ton appareil. Tu as su accompagner la résistance des femmes en images ou les fixer dans les tâches invisibles de leur quotidien.

Ton exigence d’être une femme libre et autonome a été un travail de tout instant pour être reconnue par tes pairs et ceux que tu as aimés.

Par ton extravagance tu as provoqué l’extérieur pour en tirer l’essence, tu as su t’étonner toi-même, parfois aussi, sauvage, tu t’es protégée de ce qui t’encombrait.

Tu aurais pu commencer un discours par «ce que j’ai à vous dire, c’est… je suis surprise et heureuse de vous accueillir dans un endroit qui n’est pas un musée.»

Merci à toi.
Montreuil,

août 2024.

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